« La généralisation des PDF en mode image, sans que soient toujours conservés les documents maîtres, considérés comme de simples brouillons, se révèle en l’occurrence avoir des effets secondaires assez désastreux. »
Philippe Rygiel, Historien à l’âge numérique, Presses de l’Enssib, p. 93.
Motivations initiales
À l’occasion d’une opération Masse critique de Babelio consacrée aux essais, un livre, parmi d’autres, m’a attiré l’œil, parce qu’il évoque des sujets qui m’intéressent professionnellement à plusieurs titres. Ce livre, c’est cet essai qui traité de ce que veut dire être historien à l’âge numérique…
Synopsis
L’idée de l’ouvrage est de proposer une vision sur l’évolution, entre 1998 et 2014, de la façon dont les historiens se sont, progressivement, mis à utiliser les ressources du web, comment ils ont accompagné et accompagnent les évolutions du numérique au sein de notre société. La question centrale est, en quelques sorte, de se demander ce que signifie être historien dans ce nouvel espace digital.
Philippe Rygiel, professeur d’histoire contemporaine à l’École normale supérieure de Lyon, fait partie de ceux qui, depuis 1996, ont pris part à l’aventure de Clio, site web consacré à l’histoire sociale. Cela lui a permis de découvrir l’intérêt, les difficultés et les enjeux d’une « acculturation » au numérique, pour reprendre un vocable à la mode.
Pour construire cet essai, il a repris treize textes rédigés et publiés entre 1998 et 2014. Chacun est accompagné d’une introduction rappelant son contexte, et l’indication des éventuelles adaptations dont il a fait l’objet – l’un des choix portant sur la mise à jour ou non des notes, certaines, depuis la publication, pointant vers des ressources qui ne sont plus accessibles.
Chaque texte constitue un chapitre, l’ensemble étant divisé en deux partie, la première offrant une « archéologie des pratiques », la seconde intitulée « Réflexivités réticulaires », un titre que je ne vais pas chercher à expliciter…
Avis
> L’avis de T
Ce livre n’est naturellement pas destiné au grand public, comme pourrait l’être un roman policier, un livre de science-fiction ou un livre de bit-lit. Pourtant, il est intéressant à plusieurs titres.
D’abord, il montre assez bien la difficulté, qui dépasse le cadre des seuls historiens, qu’il peut y avoir à intégrer dans sa pratique, et, plus largement, dans la vie de tous les jours, de nouveaux outils numériques, dont la puissance est appréciable, mais dont les ressorts échappent à beaucoup d’entre nous.
Ainsi, la citation que j’ai choisie ne concerne pas que les historiens. Le format PDF est effectivement largement répandu – longtemps, il a été présenté comme une façon de s’assurer que le document ne puisse pas être modifié, ce qui est finalement erroné -, et pose de réelles difficultés de réutilisation, surtout si l’original (en word, par exemple), n’a pas été conservé.
Pour les non-historiens, ce livre propose une réflexion sur ce qu’est la démarche historique, et sur la façon dont cette discipline est amené à évoluer au rythme du numérique. Or l’histoire est l’un des outils du citoyen…
Aux historiens, elle offre une vision des acquis de l’expérience de Philippe Rygiel, et soulève les grandes questions des quinze ou vingt prochaines années, et peut-être au-delà : comment travailler avec les sources du web, comment former les historiens de demain, comment préparer les prochaines étapes…
Naturellement, je n’ai pas la prétention d’avoir fait une lecture scientifique de ce livre. Je laisse cela aux spécialistes. Mais j’y retrouve nombre des interrogations qui découlent de l’omni-présence du numérique. En effet, tout est désormais vu comme une donnée, qu’il faut encoder pour la rendre exploitable par les ordinateurs. Mais qui dit codage dit traduction, et qui dit traduction dit transformation, voire déformation.
S’il n’est donc pas à mettre entre toutes les mains, ce livre se lit suffisamment bien pour ceux qui ont l’habitude de fréquenter un peu les milieux académiques, et qui s’intéressent à ces deux sujets que sont l’histoire et le numérique.