Chronique de Berta Isla, de Javier Marias.
« – Ne sois pas aussi candide, Tom. Nul ne sait jamais la part d’ombre qu’il lui convient de garder. Ce que l’on croit est sans importance et ce qui s’est passé l’est tout autant, si personne ne le confirme. Ce qui compte, c’est ce que les autres comprennent de ce qu’on leur raconte et de ce qu’on leur dit, ou ce qu’ils décident de comprendre. Et l’usage qu’ils en font, surtout s’ils veulent le déformer et le retourner en leur propre faveur. »
Javier Marias, Berta Isla, Éditions Gallimard, 2019, p. 103.
Motivations initiales
Livre de la sélection de janvier du Grand prix des lectrices ELLE, c’était l’occasion de découvrir cet auteur espagnol, Javier Marias.
Synopsis
Berta Isla et Tomas Nevinson se rencontrent à l’école. Et, très rapidement, ils savent qu’ils vont vivre ensemble. Mais, alors que la jeune madrilène reste en Espagne pour ses études universitaires, le jeune homme, hispano-britannique, part effectuer les siennes à Oxford. Ils se retrouvent séparés, et ces années vont marquer leur histoire.
Ils se marient, mais Tomas, recruté par le Foreign Office britannique – du moins est-ce qu’il dit initialement – continue à passer une partie de son temps en Angleterre. Berta Isla, restée à Madrid, s’occupe bientôt de leur fils, puis de leurs enfants. Mais elle finit par comprendre que son mari ne lui dit pas tout sur son véritable travail…
Avis
> L’avis de C
Commençons par parler du fond. L’idée de suivre ce couple qui vit séparé la majeure partie du temps est une bonne idée pour interroger la question des non-dits, des secrets, de comment on peut évoluer différemment. Ici, le fait que Tomas soit un agent secret pourrait rajouter une part de romantisme, de mystère, mais ce n’est visiblement ce n’est pas pour cela que l’auteur a choisi cette carrière pour son personnage, puisqu’il n’en dit absolument rien.
Une des autres questions abordées est celle de la « vérité historique » : à la fois sous l’angle de l’action clandestine – est-ce qu’une action que tout le monde ignore a réellement existé ? -, et au travers du contexte, celui du franquisme.
Le choix de la citation renvoie également à un autre questionnement, celui du poids des interactions sociales. Faire société, c’est aussi accepter, en effet, d’être réduit(e) par les autres à un rôle, qui n’est jamais lié exclusivement à votre propres choix, ou à vos actes, mais peut également dépendre de leurs intérêts, enjeux…
Maintenant, sur la forme, j’ai eu beaucoup de mal. J’ai trouvé que le style desservait le propos. Les phrases sont d’une longueur ! J’ai noté une phrase qui n’en finit pas de serpenter sur une bonne vingtaine de lignes… C’est très travaillé, trop à mon goût. Ou, plus exactement, c’est la plupart du temps trop travaillé. Il y a un passage pour lequel cela m’a semblé fluide, à l’occasion d’une discussion entre Tomas et son professeur à Oxford, alors que ce dernier essaye de le convaincre d’épouser une carrière d’espion. Là, les longues phrases alambiquées sonnent juste. Mais, à l’inverse, je pense à une conversation entre Berta et Tomas à une terrasse : personne ne parlerait ainsi, avec des monologues qui n’en finissent pas…
Bref, ce livre n’est pas pour moi…