Policiers, Roman noir

Malamorte

Chronique de Malamorte, d’Antoine Albertini.

« Sous les bourrasques, le maquis ondulait comme le flanc d’un gigantesque animal en train de s’ébrouer. Malgré la température glaciale et le vent qui s’était levé, ma chemise collait à mon dos. J’essayais de contourner la dalle rocheuse en suivant un passage sur le côté droit, à l’endroit où une maigre végétation recouvrait le sol, mais je glissai, ma tête heurta le sol et les nuages virèrent au pourpre puis au noir, mon estomac se contracta et je crachai un filet de bile chargé d’alcool. »

Antoine Albertini, Malamorte, Le Livre de Poche, 2020, p. 64.

Motivations initiales

Nouvelle livraison de polars dans le cadre du Prix des lecteurs du Livre de Poche, et nouvelle occasion de découvrir un auteur. Ici, Antoine Albertini, correspondant du Monde en Corse et rédacteur pour France 3 Corse, qui connait donc très bien la région dans laquelle se déroulent ses romans – mais aussi ses autres ouvrages -, dont celui-ci.

Synopsis

Un capitaine de police, dont le nom ne nous est pas donné, sauf erreur de ma part – je l’appellerai donc, si besoin, « celui dont on ne connait pas le nom », toute référence à une série jeunesse comptant 7 tomes ne serait, naturellement, que pure coïncidence -, représente, à lui seul, le Bureau des homicides simples (BHS) à Bastia.

Qu’est-ce que ce fameux BHS ? Un placard. Au sens figuré, dans lequel on enterre les policiers qui, comme notre narrateur, n’ont pas forcément compris les règles de fonctionnement de la PJ en Corse. Et au sens propre, puisque, sur la porte du « bureau » qui lui est attribué, un panneau indique « sortie de secours »…

Alors que, d’ordinaire, il ne récupère que les dossiers dont personne ne veut, un dimanche où il est de garde, il est appelé sur une scène de crime : Mohamed Cherkaoui, entrepreneur dans le BTP, a tué sa femme et sa fille, avant de tenter de mettre fin à ses jours. Puis, presque coup sur coup, deux femmes sont retrouvées mortes, étranglées et violées.

Celui dont on ne connait pas le nom, qui n’est finalement pas dessaisi des affaires, doit alors déployer tout son talent de policier, entre deux cuites, un sport auquel il s’adonne depuis que celle qui partageait sa vie à, un beau jour, disparu sans laisser d’adresse…

Avis

Prenant à rebours tous les clichés sur la Corse – le soleil, la plage, la vie douce, la destination de vacances -, Antoine Albertini nous donne à voir une autre facette de l’île, qu’il connait bien semble-t-il – il n’a probablement pas publié par hasard une enquête sur Les dessous de l’affaire Colonna -. Cette facette, c’est celle des magouilles entre politiciens et entrepreneurs, de la drogue et de la violence, du racisme et des règlements de compte entre truands…

L’ambiance est noire, le héros est désabusé, l’alcool est triste, la joie est aux abonnés absents.  Même le climat se met de la partie : la saison est à la pluie, le vent souffle, on sent que tout se ligue pour ne donner qu’une seule envie, rester chez soi !

Et c’est dans cette noirceur que notre narrateur évolue, comme si le fait que, comme il le dit au début du livre, « Pour contempler mon avenir de flic, je n’avais qu’à me retourner » l’amène à un état de détachement qui lui autorise tout. Toutes les transgressions – aller mettre la pression sur les gendarmes ou débarquer sans prévenir dans la plus grosse entreprise de l’île, alors que l’on sait que le patron bénéficie à la fois de protections politiques et d’accointances dans le Milieu -, toutes les audaces. Mais c’est la liberté du désespoir… Et, naturellement, toute lueur d’espoir risque d’être rapidement noyée par les circonstances.

Et puisque tout est noir dans ce livre, l’humour également se met au diapason. Lorsqu’un témoin qui, naturellement, n’a rien vu et rien entendu se fout trop ouvertement de sa gueule, celui dont on ne connait pas le nom rêve tout éveillé de lui enfoncer la tête dans la cuvette des toilettes et de l’agripper par les cheveux. Le procureur de la République, qui espère juste que rien ne se passe, ne parvient même pas à retenir le nom des personnes concernées…

L’ensemble donne un livre sombre, dans lequel les bons ne gagnent pas totalement à la fin. Mais c’est très bien construit, le puzzle se reconstitue progressivement sous nos yeux, grâce à quelques fulgurances de notre ami capitaine de police. Mais le meilleur indice du fait que ce livre m’a vraiment plu, c’est que j’ai ressenti une pointe de déception en apprenant – attention, spoil – qu’il pose sa démission à la fin du livre. J’aurais bien lu une suite de ses aventures. Et j’ai même été jusqu’à aller vérifier, et par arborer un sourire lorsque j’ai vu que, dans le livre suivant, Banditi, il semble bien que l’on retrouve un personnage, ancien flic devenu détective… Je n’exclue pas, d’ailleurs, que l’on puisse, au fil de cette série naissante, découvrir que l’on ne sait pas de tout de cette disparition qui a favorisé sa chute, celle d’une femme dont on ne sait pour le moment pas grand-chose…

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