Drame, Roman

Le bruit et la mémoire

« Je me souviens de ma mère. Elle était attentive la plupart du temps. Pourtant toutes ses pensées ne nous appartenaient pas. Elle avait comme des absences ou des présences à un monde inconnu de nous, ses enfants. »

Florence Dalbes-Gleyzes, Le bruit et la mémoire, Les Éditions Chum, 2018, p. 135.

Motivations initiales

Les Éditions Chum, voilà quelques semaines, nous ont contactés. Nous avons eu plusieurs échanges autour de leur vision du métier d’éditeur, autour de notre vision des blogs de lecture. Ils nous ont proposé de nous tester réciproquement : cette lecture en est le premier acte !

Synopsis

Il y a des livres que l’on ne sait pas raconter. D’autres que l’on n’a pas envie de raconter. Et puis, surtout, il y a des livres dont l’histoire n’est pas le cœur. Ce livre appartient à cette dernière catégorie. Il raconte en réalité tellement plus qu’une simple histoire…

Il raconte l’histoire de quatre femmes, liées par les liens du sang, par l’amitié, par la colère, par une histoire commune vécue de façon diverse. Une mère, sa fille, l’amie et la psychiatre de cette dernière.

Il raconte l’histoire d’un secret, qui se transmet – mais n’est-ce pas l’une des caractéristiques des secrets ?

Avis

> L’avis de T

Il se trouve que, je le sais depuis des années, les histoires de famille ont tendance à me perdre facilement. Je ne comprend pas grand-chose aux relations familiales, et rien ne me semble plus abscons qu’un arbre généalogique. Du coup, du strict point de vue de l’histoire, j’ai rapidement perdu le fil précis… Mais ce n’est en réalité pas très grave, parce que ce n’est pas réellement le sujet de ce livre, ni, surtout, son intérêt premier.

Son premier intérêt, c’est la façon dont il est écrit. L’écriture est plutôt sobre, mais avec des fulgurances qui lui donnent une ampleur remarquable. En quelques mots, vous passez d’un sentiment à un autre, d’une sensation à une autre. Si j’ai finalement opté pour la citation qui figure en haut de cette page, j’ai longtemps hésité avec une autre, qui, justement, illustre cela :

« Je ne pense pas réussir ma seconde. Je ne sais pas pourquoi. À cause peut-être de ce bruissement que j’entends la nuit. Je me bouche les oreilles, mais rien n’y fait. Les oiseaux sentent venir les raz-de-marée. Je suis un oiseau. » (p. 111)

On commence prosaïquement. Elisabeth Wagner, le personnage pivot du livre se préoccupe de sa scolarité. Et puis on entre dans un autre monde, celui du bruit, du bruissement. Et, en deux phrases brèves, on est projeté en pleine poésie. Ah, ce « Je suis un oiseau » ! Avec ces quatre mots, on est emmené ailleurs : nous aussi, nous devenons des oiseaux, qui survolons le monde, dont nous percevons les catastrophes à venir !

Et puis il y a le poids de la transmission. Ce que nous croyons essayer d’éviter à nos enfants et que, finalement, nous leur imposons. Et il y a des signes, ou ce que nous interprétons comme tels : notre besoin de croire qu’il y a un ordre, une raison à ce qui nous arrive, nous amène parfois à considérer que certaines choses étaient déjà en germe ici et là…

Le personnage de Marion Salin est également très riche. Une psychiatre en colère, voilà qui n’est pas courant dans la littérature. Et pourtant, ils sont humains, comme nous tous, et ressentent donc les mêmes émotions. Qu’ils soient souvent capables de les percevoir, de les interpréter, et, du coup, de les maîtriser mieux que nous ne les abstrait pas du risque d’être débordés.

Enfin, je termine par le début. Car le titre du livre est intrigant. Pourquoi cette association du « bruit » et de la « mémoire », deux notions que rien ne relie véritablement ? Le bruit, le bruissement, est très présent dans ce livre, et, pourtant, c’est la mémoire, la transmission qui l’emporte. Pourtant, la mémoire, c’est plutôt des faits débarrassés de leur bruit ; le bruit, ce serait plutôt ce qui gêne la mémorisation. Alors, le « et » qui les relie, est-ce un « et » qui relie ou qui oppose ? Je n’ai pas de réponse, seulement mon ressenti…

En fait, ce qui est intéressant avec ce livre, c’est que l’on ne ressort pas exactement le même de sa lecture que l’on était avant. Et est-ce que ce n’est pas cela, le signe ultime d’une lecture qui nous marque ?

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1 réflexion au sujet de “Le bruit et la mémoire”

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