Drame, Roman

L’or du chemin

« Tu sais, moi aussi, il m’arrive de parler à ma petite femme morte. Et tu sais ce qu’elle me dit ? « Sois heureux comme j’aimerais que tu sois heureux si j’étais là. Aime la vie, ton travail et le bon vin comme j’aimerais les aimer avec toi et donne-les à aimer autour de toi. » Ta Léonora aurait sans doute des mots plus raffinés, mais je suis sûr qu’elle pense pareil. »

Pauline de Préval, L’or du chemin, Éditions Albin Michel, 2019, p. 122.

Motivations initiales

Livre reçu dans le cadre d’une opération Masse critique de Babélio, je ne savais pas à quoi m’attendre. En plus, s’agissant d’épreuves non corrigées, aucun résumé ne figure en quatrième de couverture. C’était donc lecture en mode freestyle…

Synopsis

Dans l’Italie du début du XVe siècle, le monde de l’architecture et de la peinture sont en pleine effervescence, alors que s’enclenche une remise en question profonde de la manière qu’ont les hommes de se voir eux-mêmes. Dans la sphère d’influence de Brunelleschi, auprès de Starnina – sans doute Gherardo Starnina -, Giovanni, un jeune peintre fait ses premières armes. Il est, comme le lui a dit le maître, un « peintre-né », un de ces hommes qui, quoi qu’ils fassent, ne peuvent échapper à leur destin de peintre.

Et, en effet, on découvre un jeune homme, fils d’un teinturier, qui, dès l’enfance, est fasciné par les couleurs et la lumières. Mais, au grand désespoir de son père, il ne veut pas prendre sa suite, mais devenir peintre.

Progressivement, le maître lui confie une part de plus en plus importante de ses ouvrages, comme cela se pratiquait alors dans les ateliers. Cela lui permet de se confronter à son talent, à ses idées, à ses aspirations. Et cela ne va pas sans quelques heurts… les heurts qu’il faut pour tailler un diamant brut ! Et le premier de ses heurts, le plus violent, celui qui aurait pu le briser d’un seul coup, c’est la disparition de son amour, Léonora. Alors que les deux amoureux connaissent une entente chaste mais parfaite, le père de cette dernière décide de la marier… mais pas avec Giovanni. Ils s’enfuient, ils sont rattrapés, elle est cloîtrée dans un couvent, où elle meurt finalement de la peste. Giovanni se relèvera-t-il de cette perte ?

Avis

> L’avis de T

Attention, petit bijou !

Petit, parce que ce roman est très court – 140 pages. Après un pavé de 1100 pages comme Le triomphe de Thomas Zins, voilà un retour de balancier sans transition…

Bijou, parce que l’auteure parvient à faire ce que tout personne qui écrit rêve de faire : par ses mots, elle crée des formes, des couleurs et rend compte de la lumière. Et elle parvient même à décrire des sentiments, qui sont pourtant de l’ordre de l’indicible. En tout cas, c’est ainsi que cela s’est joué pour moi.

On retrouve dans ce livre de nombreux thèmes : qu’est-ce que l’art, quel est son rôle ? La peinture doit-elle représenter aussi précisément que possible le réel, ou doit-elle être codifiée pour exprimer plus que le réel ? Peut-on remettre en question ces « codifications » existantes – au moment où la Renaissance débute, la réponse est évidemment oui, mais cela ne va, naturellement, pas sans résistances et réticences…

Mais il ne s’agit pas d’un essai. Ces questionnements sont en filigrane dans la description que Giovanni fait de lui-même et de son parcours. Description qu’il livre à un inconnu, dans une lettre. Pourquoi ? Cela, je vous laisse le découvrir. Mais il est question de transmission, de renaissance et de Renaissance, presque de rédemption, de mort, de deuil et de survie. Et, surtout, comme le titre l’indique, il s’agit bien du cheminement d’un homme parmi les obstacles de sa vie et de son art.

Cette lecture m’a renvoyé à d’autres livres, lus voilà quelques années. Je pense notamment à la trilogie de Sophie Chauveau, La passion Lippi, Le rêve Botticelli, L’obsession Vinci, qui m’avaient fait forte impression, mais également à La course à l’abîme, de Dominique Fernandez, consacré au personnage du Caravage. Alors que je n’y connait pas grand chose à la peinture, ces cinq livres, pour moi, réussissent le tour de force de me rendre accessible cet art qui me demeure mystérieux – parfois, devant certains, tableaux, je me sens vraiment comme une poule devant un couteau, je n’ai pas le mode d’emploi, la grille de décodage – par les mots.

La quête de sens de ce jeune peintre est devenue mienne. Son désespoir également, sa fuite aussi. Fuite des lieux du malheur, mais surtout fuite de lui-même, puisqu’il abandonne la peinture. Pour supporter de continuer à vivre, il abrutit son corps, il s’abrutit l’esprit. Ce processus du deuil est également remarquablement rendu. Peut-être ai-je moins confiance que l’auteure, en revanche, dans l’idée que, par-delà la mort, Léonora puisse accompagner son Giovanni, mais il s’agit sans doute d’approches culturelles et familiales différentes…

L’ensemble est porté par une plume d’une grande douceur, mais également d’une grande finesse. Pas de démonstration tapageuse de talent, pas de formules alambiquées, mais une simplicité qui permet de dire l’indicible… Vous l’aurez compris, j’aime ! L’or de ce chemin, j’ai aimé le voir scintiller sous mes yeux…

l'or du chemin

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