Chronique de Tanz !, de Maurane Mazars.
« – J’adorerais faire un ballet sur des textes de Kerouac…
– Ah non ! On a bien vu ce que ça donnait la prose et la danse !
– Comment ça ?
– Non mais Kerouac, ce sont déjà des mots qui dansent… Ça serait redondant… Et puis regarde la comédie musicale, ce qui se passe quand on fait du figuratif… Kerouac, ça doit rester de la poésie. »
Maurane Mazars, Tanz !, Les Éditions du Lombard, 2020, p. 79.
Motivations initiales
Les Éditions du Lombard nous ont fait le plaisir de nous envoyer cette nouvelle publication, un roman graphique couronné du prix Raymond Leblanc de la jeune création.
Synopsis
Élève de la Folkwang – une académie de danse allemande, créée à Essen en 1902 par un directeur d’opéra, Rudolf-Schulze Dornburg et le chorégraphe Kurt Jooss -, Uli rêve de Broadway, de comédie musicale. En cette année 1957, à l’occasion d’un voyage à Berlin, il rencontre Anthony, un danseur américain, avec qui il a une brève aventure.
De retour à Essen, il réalise que la classicisme de la Folkwang, ce n’est pas pour lui. Direction New-York !
Avis
Je ne connais rien à la danse. Pire, même, je crois que je n’y comprends rien. Et cela pèse sans doute sur ma réception de ce roman graphique qui, lui, en est totalement imprégné. L’album se termine d’ailleurs, dans une partie appelée Inspirations, par le portrait de trois figures de la danse, Rudolf Laban, Mary Wigman et Kurt Jooss. Et je me demande, sans pouvoir répondre à cette interrogation, si l’ouvrage ne s’inspire pas, pour représenter la danse, de la « Labanotation » inventée par le premier, manière de noter des chorégraphies… mais qui, pour des candides, donne un résultat assez ésotérique.
Je n’adore pas ce genre de dessins, et je n’ai rien compris aux passages sur la danse. Forcément, cela me met dans une situation difficile par rapport à cet album qui est entièrement consacré à cette dernière.
En revanche, j’ai vraiment trouvé l’histoire intéressante. Ce jeune allemand, venant d’une Allemagne à peine sortie de la guerre et encore profondément marquée par cet épisode de l’histoire, et débarquant à New-York, se retrouve plongé dans un milieu marqué à la fois par une ébullition permanente, mais qui souffre également d’une sorte de ghettoïsation. Anthony, jeune danseur noir, en est d’ailleurs une sorte d’incarnation, rejeté des circuits ouverts aux blancs. Mais Patty, pour sa part, souligne également le machisme d’un milieu artistique qui pourrait pourtant paraître d’avant-garde, mais qui ne lui renvoie que condescendance lorsqu’elle ose présenter un projet. Elle ne supporte plus ces hommes, dont le chorégraphe dont elle est l’assistante, qui la renvoie à ses chères études, en l’appelant « ma p’tite », « mon chou », « ma jolie ».
Dans la difficulté qu’il y a à arriver quelque part d’inconnu – New-York, pour le jeune Essenien, c’est un autre monde -, il y a aussi toute la difficulté de la différence, que l’on soit homosexuel ou femme.
Uli aime Anthony, mais celui-ci le rejette, parce qu’il mène un autre combat, celui d’un noir à New-York.
Jacob aime Uli, mais ce n’est pas lui que ce dernier espère.
Patty attend de la reconnaissance.
Et chacun se débat comme il peut avec ses blessures, ses espoirs et ses difficultés.
Une belle histoire de vie, donc… Même si, pour moi, elle a été rendue compliquée par la dimension graphique de la danse, et que je ne peux pas ne pas le dire…
