Chronique de Thecel, de Léo Henry.
« On ne lui a rien expliqué. Mise devant le fait accompli. C’est ainsi que la vérité se pratique chez les humains : on prétend qu’elle est malléable, qu’elle est subjective. Qu’on peut jouer avec. C’était un arrangement comme il s’en pratique à la cour de l’Empire. Une alliance de circonstance entre les sœurs guerrières et la famille impériale. Le pouvoir, peut-être, se paie à ce prix-là. »
Léo Henry, Thecel, Éditions Gallimard – Folio SF, 2020, p. 199.
Motivations initiales
Depuis plusieurs mois, ce livre me faisait de l’œil. À chaque fois que je passais par le rayon SF / Fantasy de l’une de nos librairies, il était là, à me guetter. Les premières fois, je l’ai reposé, après avoir vérifié, en quatrième de couverture, que ce livre clôture bien la « trilogie des mauvais genres », initiée par le Casse du continuum, livre de science-fiction, et poursuivie par La Panse, un récit fantastique, pour se terminer, donc, avec de la fantasy, celle de ce Thecel. Commencer une trilogie par le dernier tome ? Tssssss. Mais, ne trouvant jamais les deux autres en rayon, il ne restait qu’à approcher un vendeur… qui m’a indiqué que, certes, il s’agit d’une « trilogie », des « mauvais genres » (au sens de genres littéraires décriés ou sous-considérés), mais que les trois tomes étaient indépendants. Plus de raison, dès lors, pour que ce Thecel ne rejoigne pas ma PAL… Et ainsi fut fait !
Synopsis
Dans le palais de Thecel, Moïra grandit. Fille de l’empereur, elle vit dans une forme d’insouciance, ne connaissant du monde que ce lieu clos, dans lequel chacun la connait. Très proche d’Aslander, son grand frère, rien ne semble pouvoir les atteindre.
Puis, alors qu’Aslander reste au palais pour apprendre à diriger l’Empire des Sicles, elle est envoyée comme élève au Couvent de la Grande Magèstre – l’un des lieux de formation et de vie de l’ordre des guerrières, l’un des trois pouvoirs de l’Empire -, dont elle ne revient que quelques semaines par an.
Mais l’empereur meurt, et Aslander disparait. Les Œcumaîtres – le troisième centre du pouvoir – semblent intriguer dans l’ombre. Moïra peut-elle retrouver son frère, empêcher une guerre intestine meurtrière… bref, sauver le monde ?
Avis
Proposer un résumé de ce livre, ou tenter de le commenter, s’avère être un exercice difficile. En effet, certains éléments centraux de l’histoire peuvent difficilement être évoqués sans que cela tourne au spoil pur et dur… que je vais tenter d’éviter.
Commençons peut-être par signaler que l’auteur est surtout connu – en dehors de la « trilogie » évoquée plus haut – pour avoir écrit de nombreuses nouvelles, dont l’une, « Trois livres qu’Absalon Nathan n’écrira jamais », est parue dans Retour sur l’horizon, anthologie publiée aux Éditions Denoël et couronnée du Prix de l’Imaginaire en 2010. Et, en effet, la structure même du récit, et le clin d’œil final, ressemble bien à ce que l’on attendrait d’une nouvelle.
Reprenant une idée qui n’est pas forcément originale et qui a déjà été exploitée par ailleurs, Léo Henry imagine un monde dans lequel un jeu de plateau consistant à retourner des pièces bicolores blanches et noires – un petit peu en mode Othello, ou Reversi – a des implications sur l’univers. Mais ce n’est pas parce que l’idée a déjà été utilisée qu’elle ne peut plus être réutilisée, et l’auteur le fait ici avec pas mal de brio.
Ce qui est intéressant, c’est la façon dont il questionne la pratique du pouvoir, et de l’aveuglement qui peut l’accompagner. Aveuglement volontaire, pour certains, involontaire pour d’autres, qui, simplement, n’ont pas d’autre cadre de réflexion que celui qu’on leur donne, comme Moïra qui, enfant, ne peut pas imaginer ce qui se passe à l’extérieur du palais. Cela ne veut d’ailleurs pas dire qu’un cadre est forcément mauvais ou inadapté du seul fait qu’il nous est imposé : Léo Henry ne se positionne pas là-dessus, il ne cherche pas à nous indiquer les motivations de telle ou telle faction.
Et c’est peut-être là où c’est frustrant – mais à juste titre – : comme dans la vie de tous les jours, nous n’avons pas un « cadre de lecture » qui nous serait donné comme un mode d’emploi, et qui permettrait de décrypter, de savoir qui sont les méchants et qui sont les gentils. Non, il y a du noir et du blanc (ne serait-ce que d’un côté et de l’autre des pièces du jeu), mais les gradations de gris ne nous pas précisées…
Tout cela a sans doute influencé le choix de la citation proposée au début de cette chronique… dans laquelle je lis autre chose qu’une opinion sur la cour impériale de Thecel. Alors, y a-t-il des volontaires pour un petit tour avec Moïra ?
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

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