Drame, Roman

Bibiche

Chronique de Bibiche, de Raozy Pellerin.

« Rapidement, Dinah et Bibiche avaient pris l’habitude de se rendre visite. La chambre de Dinah était plutôt la pièce où l’on ne faisait que passer. Bibche n’y restait jamais longtemps. Cette chambre lui faisait l’effet d’un refuge d’adolescentes, de ceux où l’on prend garde à ne pas pénétrer sans précaution. Dinah s’y enfermait parfois avec une certaine gravité, comme si elle s’apprêtait à y déterrer un trésor enfoui. »

Raozy Pellerin, Bibiche, Éditions Plon, 2022, p. 57-58.

Motivations initiales

Bibiche est l’un des livres publiés par les Éditions Plon à l’occasion de la rentrée littéraire 2022. Et c’est à ce titre que nous avons la chance de le découvrir – merci aux Éditions Plon ! -.  Premier roman de l’auteure, il s’agit donc à la fois de découvrir un imaginaire et un style inédit… Toute une aventure !

Synopsis

Bibiche est congolaise. Elle est membre de l’UDPS, mouvement politique d’opposition à la dictature de Mobutu. Femme et opposante : voilà bien une position difficile à tenir en République démocratique du Congo. Elle est jetée en prison après avoir été arrêtée pendant une manifestation.

Sortie de prison après que sa sœur ait payé l’un des gardiens, elle rejoint la France. Là, sans famille, sans argent, sans travail, sans papiers, elle n’a pas d’autre choix que de se réinventer pour revivre… mais rien n’est jamais aussi simple !

Avis

Bibiche est un de ces livres qui vous prend aux tripes, qui vous déchire le cœur. Mais qui, parce qu’il raconte l’indicible, peut aussi, par moments, vous laisser sur le bord du chemin, parce que vous n’êtes pas prêt(e), parce que le parti-pris stylistique ou artistique de l’auteure ne vous est pas accessible. Et vous vous en voulez affreusement !

C’est exactement ce qui m’est arrivé pendant toute la première partie de ce livre. J’ai eu du mal à rentrer dedans. Certes, j’ai compris que, lorsque l’auteure nous décrit Bibiche comme un bébé qui vient de naître, c’était une métaphore pour faire passer l’idée de sa renaissance. Mais ce premier passage m’a paru artificiel, et j’ai eu peur que cela ne dure.

Mais heureusement, l’envol a eu lieu. Progressivement. Là, je suis incapable de dire si c’est le choix affirmé, conscient et volontaire de l’auteure que de nous placer dans la même position que Bibiche, ou si c’est parce que l’histoire s’est racontée ainsi, mais subitement, j’ai eu l’impression d’avoir perdu tous mes repères. D’être, comme cette réfugiée, incapable de comprendre ce que l’on attend de moi. Je veux oublier, mais je n’en ai pas le droit. Je dois raconter, mais je n’ai pas les mots pour le faire. Je dois avancer, mais tout me dire vers l’arrière. Je dois recommencer, mais on m’empêche de clôturer l’étape précédente. Je dois reconstruire – je suis dans un champ de ruines -, mais je n’ai pas les outils. Et, autour de moi, gravitent tous ces gens, pour la plupart de bonne volonté, mais qui ne peuvent tout simplement pas comprendre, même lorsqu’ils essayent.

Ce que Bibiche ressent n’est pas partageable. La preuve en est : même entre voisines du foyer où elle est hébergée, elles ne parviennent pas, ou si mal, à se comprendre. Chacune, pour avancer, masque ses failles, ses souffrances.

L’appareil judiciaire est inhumain ; il est froid. Il a besoin de preuves là où ceux qui le sollicitent ont besoin d’écoute. Il oppose le principe de réalité à leur demande d’empathie. Mais comment pourrait-on imaginer fonctionner autrement ?

On pourrait imaginer que le récit détaillé des scènes de viol en prison, de la peur, des humiliations, des odeurs, serait la meilleure façon de donner à comprendre. Mais c’est au contraire par leur absence qu’ils gagnent en épaisseur. Et, surtout, cela nous place, là encore, dans la même position que Bibiche. Ces souvenirs, ses souvenirs (les siens) sont-ils vrais ? Ou bien sont-ils une reconstruction d’une vérité différente. Elle doute, nous doutons avec elle. Et c’est déchirant !

Pour sortir indemne de ce livre, il faut ne pas y entrer. Mais ne pas sortir indemne de ce livre, c’est peut-être en sortir plus humain. Bibiche, nous promet l’auteure, ne pleurera pas. Mais nous pouvons le faire pour elle…

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s