Chronique de Ira Dei – T. 3 Fureur normande, de Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat.
« – Toutes les extrémités sont-elles permises à ceux qui servent la foi ? Est-ce que Dieu pardonne l’ignominie de ceux qui le servent, mon père ?
– Dieu pardonne, c’est dans sa nature. Cependant je crains que tu ne poses point la bonne question, mon fils.
– Que voulez-vous dire ?
– Il y a servir Dieu… et il y a servir l’Église des hommes. Ce sont parfois deux choses très différentes. Ne t’y trompe pas »
Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat, Ira Dei – T. 3 Fureur normande, Dargaud, 2019, p. 21.
Motivations initiales
Nous annoncions à la fin de la chronique du tome précédent (Ira Dei – T. 2) que le tome 3 se trouvait déjà dans notre PAL, ainsi, d’ailleurs, que le suivant. Donc, pas de surprise, pas de découverte inopinée sur la table d’une librairie, mais bien un acte voulu, anticipé, prémédité, même ! Eh oui, envie de savoir ce que Robert / Tancrède, Étienne, Guillaume, Harald et les autres nous réservent !
Synopsis
Le deuxième tome clôturait le cycle sicilien, ce troisième tome ouvre le cycle italien, qui compte également deux tomes et clôt la série.
Au début de ce tome, on retrouve les normands de Guillaume de Hauteville, en compagnie d’Étienne, dans le sud de l’Italie, sur le point de combattre les troupes du Catépanat d’Italie (également appelé Catépanat de Bari), territoire byzantin dans l’Italie méridionale de l’époque. Lors de la bataille de Venosa, durant l’hiver 1041, ils défont Dokeianos, qui, depuis la disgrâce de Maniakes, représente le Basileus Michel IV. Cette défaite marque pratiquement le terme de la présence byzantine sur ce territoire.
Cette défaite contribue également à ce que le Basileus sorte de sa geôle Maniakes : Dokeianos en Italie et son alter-ego en Sicile ayant fait preuve de leurs insuffisances, Michel IV rappelle son ancien strategos. Lequel s’attèle immédiatement à échafauder un piège à destination de Guillaume de Hauteville !
Et du côté de l’Église – vous pourrez en juger, au moins en partie, avec la citation choisie pour ouvrir cette chronique -, on n’hésite pas à faire preuve de machiavélisme, même si le mot n’a pas encore été inventé…
Avis
Pas de surprise, pour être tout à fait sincère : c’est toujours aussi bien. Et, en plus, on continue à découvrir un moment de l’histoire qui a probablement échappé à beaucoup d’entre nous. Le sud de l’Italie, la Sicile, ce n’est pas très loin de chez nous. Mais aviez-vous jamais entendu parler du Catépanat d’Italie ?
Les complots, les intrigues, les coups fourrés ne manquent pas, et c’est toujours aussi réjouissant. S’il devait y avoir une critique à faire, ce serait que – mais c’est probablement l’époque qui veut cela -, on ne peut pas dire que la parité soit parfaitement respectée dans cette histoire. Parmi tous les hommes de cette histoire, seules deux femmes parviennent, bon an mal an, à tirer leur épingle du jeu : Eudoxie, la demi-sœur de Maniakes et Marie, la sœur d’Étienne. Et quelle que puisse leur intelligence et leur force de caractère, l’une est avant tout le repos du guerrier d’Harald, le rôle de la seconde restant encore en partie mystérieux.
Il est également intéressant de voir que l’on a souvent ironisé sur le goût des byzantins pour le complot, les arguties subtiles mais essentiellement oiseuses, au point que « byzantin » est devenu un adjectif destiné à caractériser des palabres longues, contournées et qui finissent par perdre de vue leur objet véritable. Mais il est notable que ce que « l’Église des hommes », telle que la définit l’abbé dans la citation déjà évoquée ne recule elle-même devant aucune fourberie, qu’elle est prête à défendre y compris en faisant sienne la rhétorique la plus byzantine…
C’est plaisant, c’est efficace, c’est instructif. Franchement, quelle raison valable pourrait-on avoir de ne pas lire cette série ? J’ai beau chercher, je n’en vois aucune…
Pour en savoir plus
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