« Il y a, dans le monde, un objet de plus […]. Il est unique en son genre. Nombreux sont les objets, naturels ou de main d’homme, qui sont de trop […]. En revanche, il est le seul à être de plus. »
Pascal Bacqué, La Guerre de la terre et des hommes, Massot littérature, 2018, p. 9.
Motivations initiales
Nous avons reçu ce livre dans le cadre d’une des opérations Masse critique de Babelio. Nous l’avions sélectionné parce que le scénario, autour d’une rencontre, en 1945, entre Winston Churchill, Ian Bute et John Ronald Reuel Tolkien, était intrigant… Un livre mettant en scène Tolkien, c’est rare et c’est stimulant !
Synopsis
Comment décrire le sujet de ce livre ? Il faut d’abord signaler que ce livre fait partie d’un projet littéraire plus vaste, extrêmement vaste, même, initié par Pascal Bacqué depuis près de quinze ans. En 2012, sous le titre La légende d’Élias, tome 1, était paru une première version. Mais Pascal Bacqué a dû reprendre l’ensemble, changer de forme, ce qui a abouti à La Guerre de la terre et des hommes qui devrait, à terme, compter cinq tomes.
Souvent décrit comme un projet d’une « folle ambition », pour reprendre les termes de François Samuelson ou ceux de la rédaction de la revue La règle du jeu, le but affiché est d’expliquer la face cachée du monde, et, en particulier, celle de l’histoire de trois pays, la France, l’Allemagne et l’Angleterre.
Et cette histoire se déroule – mais elle s’enroule, également – autour d’un bâton. Ou, plutôt, DU bâton. De ce bâton de Moïse qui est l’objet de plus signalé et décrit dans la citation rappelée plus haut.
Factuellement, l’histoire s’organise en trois grandes parties, relativement distinctes : lors de la première, on découvre en parallèle comment, en l’an mil, Hermann, fils de Harr, tue son frère Élias pour s’emparer du bâton, et, en 1945, comment Winston Churchill, lord Bute – un compositeur écossais – et Tolkien, vont découvrir à la fois son existence et la place qu’il occupe dans l’histoire des hommes. Dans une deuxième partie, on accompagne Fabrizio, membre de la Compagnie de Jésus, à qui ses supérieurs confient une mission, en Suisse – où, pourtant, les Jésuites ne sont pas bienvenus. Enfin, dans la troisième partie, on retrouve Winston Churchill, lord Bute et Tolkien, qui, après avoir chacun tenté de digéré la découverte de l’existence du bâton et d’Hermann, près de Sion, sont progressivement attirés près de lui, plus où moins directement…
Sont convoqués, au fil du livre, nombre d’intellectuels et d’artistes, entre l’an mil et aujourd’hui : Jean Genêt, Georges Bataille, Walter Benjamin, Pascal, Molière, C.S. Lewis, Friedrich Hölderlin, probablement Louis-Ferdinand Céline, peut-être Marguerite Duras… Enfin, le monde, en 1945, sortant de la Seconde Guerre mondiale, Hitler est également régulièrement évoqué.
Avis
> L’avis de T
Si ce livre est extrêmement difficile à décrire, il n’est pas plus simple à chroniquer. Malgré tous les éloges qui figurent sur le livre – on compte pas moins de neuf avis dithyrambiques, sur les rabats de la deuxième, de la troisième et sur la quatrième de couverture, dont cinq sont ceux de philosophes -, il est difficile de dire que j’ai aimé ce livre.
Mais il est également difficile de dire que je n’ai pas pris, en même temps, un certain plaisir à le lire, à la fois parce que la langue est belle, avec des fulgurances – Pascal Bacqué parle d’un « art suraigu du silence », ou évoque, pour les religieux ayant abondamment pratiqué les génuflexions, « la vieille gêne des agenouillements cisaillés par la matière ».
En réalité, ce livre est compliqué à lire, parce qu’il est tellement ambitieux. Trop, peut être, pour le lecteur moyen. En tout cas, moi, il me renvoie à mon ignorance, à mes lacunes culturelles. Mon niveau d’érudition n’est pas suffisant pour que je puisse tirer les fils de ce récit et le décrypter. Du coup, je me sens bête, ce qui n’est pas forcément le plus agréable dans une expérience de lecture…
Du coup, je ne parviens pas à prendre de la hauteur sur le texte et à en percevoir les implications profondes, et je reste au pied de la lettre, face à des formules profondément poétiques mais qui résonnent, du coup, au premier degré, comme un exercice de style qui me laisse de marbre.
« Le tapis des mots qu’il avait envoyés sur les foules en panache de flammes (car les mots de Winston avaient commandé aux bombes) et leurs répercussions infinies de bouche à bouche et dans les pensées des hommes furent aspirées d’un seul coup par un courant d’air froid ».
Pour évacuer la frustration de se retrouver sur le bord du chemin, reste alors la forme. L’objet est plutôt réussi, mais, à l’usage, déception. J’ai relevé une bonne trentaine de problèmes de mise en page, des mots coupés en plein milieu d’une ligne, des problèmes de passage à la ligne non effectués dans des dialogues, des sauts de paragraphes en pleine phrase. J’ai conscience que je n’aurais probablement pas fait attention à cela si j’avais adhéré au texte. Mais là, j’ai surtout ressenti un contraste entre l’ambition du projet et la réalisation de l’objet…
Alors, ce livre ? Je ne peux pas le conseiller sans prévenir qu’il est ardu ! Ainsi, je dirais qu’il s’adresse en priorité à des personnes ayant une excellente connaissance de l’histoire des idées, des religions – et, notamment, du talmud – et qui ne craignent pas de confronter leur érudition à celle du poète, écrivain et philosophe qu’est Pascal Bacqué…