Roman

L’argent ne fait pas le bonheur, les luwaks si

« Après un rapide dîner avalé dans un état d’exaltation paroxystique, il sortit d’un tiroir une épaisse pochette cartonnée sur laquelle il inscrivit avec le même marqueur rouge ce mot qu’il répétait avec délectation : LUWAK. Il y rangea ses notes ainsi qu’une photographie glanée sur la toile représentant un drôle d’animal, une sorte de putois aux yeux ronds, pourvu d’un pelage noir intense, posé sur la branche d’un caféier. »

Pierre Derbré, L’argent ne fait pas le bonheur, les luwaks si, Éditions Points, 2019, p. 129.

Motivations initialesBannière fb PMR 2018

Ayant la chance de faire partie du jury du Prix 2019 du meilleur roman des lecteurs de POINTS, nous avons reçu tous les livres de la sélection, dont celui-ci.

Neuvième lecture, neuvième chronique.

Synopsis

Igor Kahn est ouvrier dans une usine spécialisée dans la fabrication d’éléments et accessoires pour espaces sanitaires. Le jour où il est nommé contremaître, il croit avoir franchi une étape… mais bientôt, la société rencontre des difficultés, est rachetée… et il se retrouve licencié.

Mais ce changement de vie n’est pas le dernier, puisque, peu de temps après, il gagne une forte somme au loto. Il achète alors une maison d’artiste sur l’estuaire de la Gironde, et profite de sa vie devenue facile.

Pourtant, au bout d’un temps, il commence à s’ennuyer. Que faire de son temps et de son argent ? C’est alors qu’une discussion dans le bistrot du coin va lui donner une idée…

Avis

> L’avis de T

Je suis dans un entre-deux.

D’un côté, ce livre est agréable à lire, les pages tournent gentiment, et on balaie une série de thèmes pas tous consensuels – le travail n’est pas une aliénation, même si des salauds y ont leur place ; la vie rendue facile par l’argent n’est pas forcément l’absolu de l’idéal ; on peut rebondir à tout âge….

Mais, justement, aucun de ces thèmes n’est réellement creusé, et Igor Kahn se promène au milieu de tout cela avec une sorte de naïveté, et tout lui réussit. Insolemment.Il est viré ? Il gagne au loto. Il s’ennuie ? L’idée pour sortir de l’ennui lui tombe dessus par hasard. Il crée une entreprise ? Tout marche tout seul. Il manque de place ? Mais, bien sûr, la solution idéale est là, juste à côté de chez lui.

Finalement, tout cela tourne à la bluette un peu hors sol. Le plus caricatural, pour moi, c’est la création d’entreprise. L’idée surgit page 129, et, page 183, quand le livre se termine, c’est un immense succès et ça tourne presque tout seul. Aucun problème de récolte, aucun problème pour « importer » les luwaks – même pas une période de quarantaine -, aucun problème pour qu’ils s’acclimatent. Et, en plus, Igor rencontre l’amour. Le tout raconté comme une aimable promenade de santé, alors même qu’Igor n’a, a priori, aucune connaissance – créer une entreprise, cela veut dire être capable de gérer des questions de production, financières, de communication… Ce n’est sans doute pas tout à fait pour rien que, chaque année, 61 000 entreprises ferment, pour cause de faillite, sauf à supposer que les 61 000 patrons concernés sont vraiment des abrutis.

Mais, et c’est là où je me sens dans un entre-deux, faut-il forcément qu’un roman soit réaliste ? Naturellement non. Pourquoi alors est-ce que, ici, cela m’énerve ? Probablement parce que je ne suis pas totalement rentré dans ce livre. J’aurais voulu plus de tripes, plus de chair. Peut-être quelque chose de plus revendicatif, ou, au contraire, de carrément plus poétique. Là, c’est lisse, sans accroc, tout coule, tout roule. Mais il n’en reste pas grand-chose, une fois la dernière page tournée…

Et comme je profite souvent de mes lectures pour essayer d’apprendre, j’ai effectué quelques recherches sur les luwaks. Et découvert que le premier à avoir lancé le kopi luwak en Europe appelle aujourd’hui à mettre des garde-fous. Parce que le prix élevé attire les convoitises… et les tricheurs. Entre ceux qui font des mélanges, voire mentent carrément, et ceux qui « exploitent » des luwaks sans se préoccuper de leur santé, la filière est aujourd’hui pourrie jusqu’à la moëlle. Mais, là dessus, rien. Certes, ce livre n’a pas forcément à devenir un manifeste pour l’écologie ou le respect de la vie animale. Mais bon… un mot sur le sujet n’aurait pas été de trop !

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