Drame, Historiques, Roman

Niels

« Il y eut un instant où la gare entière parut faire silence, puis la foule se referma sur Gilbert, sans que les gendarmes puissent intervenir, sans que les travailleurs du STO, qui avaient ri à ses boutades, ne bougent d’un centimètre. Ils le regardèrent se faire écarteler par les furies. Elles lui arrachèrent ses vêtements tandis que les coups pleuvaient sur son crâne. Il se retrouva nu comme un ver et la tête en sang, sans que l’on sache qui lui avait infligé la blessure. Dans ses yeux, au-delà de la panique, se lisait la pet absolue, celle qui change un individu à jamais, celle qui lui fait raser les murs jusqu’au jour de sa mort. »

Alexis Ragougneau, Niels, Éditions Points, 2019, p. 74-75.

Motivations initialesBannière fb PMR 2018

Ayant la chance de faire partie du jury du Prix 2019 du meilleur roman des lecteurs de POINTS, nous avons reçu tous les livres de la sélection, dont celui-ci.

Dixième lecture, dixième chronique.

Synopsis

Niels Rasmussen, fils d’un danois et d’une française, a vécu à Paris, avant la Seconde Guerre mondiale. Il y a monté plusieurs pièces de théâtre. Retourné au Danemark, il est, en 1945, devenu résistant, et, alors que les Allemands sont sur le point d’être chassé, il jouit d’un grand prestige. Sarah, sa compagne, attend leur premier enfant. Tous les voyants semblent être au vert.

Mais c’est alors qu’il apprend que Jean-François, son ami d’enfance, est sur le point de passer en jugement, à Paris. Accusé d’intelligence avec l’ennemi, il risque la peine de mort. Mais Niels ne peut pas croire que Jean-François soit celui que l’on accuse d’avoir collaboré. Sur un coup de tête, Niels quitte Sarah, le Danemark : direction Paris, en pleine vague d’épuration.

Mais qu’y trouvera-t-il ?

Avis

> L’avis de T

Des romans sur la guerre, sur la Résistance, j’en ai lu. Qui se déroulent en France, en Allemagne, en Autriche, j’ai eu l’occasion. Mais une histoire qui se déroule, entre la France et le Danemark, et qui traite essentiellement de la période de l’épuration, je n’en avais jamais lu. C’est déjà un bon point.

Malgré l’histoire officielle, malgré le « roman national », il n’est pas nécessaire de consentir à un énorme effort d’imagination pour se douter que tout n’a pas été rose. Et reviennent alors quelques souvenirs d’enfance, lorsque mes grands-parents racontaient « leur » guerre, celle d’un cheminot et de sa femme, mère au foyer, et celle d’un militaire et de son épouse, secrétaire. Et me revient cette histoire, racontée par l’un d’eux, qui a vu quelqu’un vendre une bouteille d’eau pour un Napoléon. Oui, une pièce en or contre une bouteille d’eau…

Ici, les personnages sont tous en nuances de gris. Des salauds qui se sont rachetés à temps une virginité de façade ; des gentils qui, sous la pression des événements, ont franchi une fois la limite, mais le payent au prix fort ; des vrais lâches déguisés en héros de pacotille ; des hommes et des femmes qui se sont débrouillés comme ils le pouvaient. Et, tous, emportés par l’élan, qui se joignent, volontairement ou non, avec enthousiasme ou réticence, à la chasse aux collabos.

Personne ne peut savoir avec certitude s’il aurait été, s’il serait un traître, un lâche ou un héros. C’est souvent une question de circonstances, et, peut-être, de point de vue. Alexis Ragougneau nous raconte ce Paris dans lequel les loups ne sont pas toujours ceux que l’on croit avec une finesse, une élégance, une humanité que j’ai vraiment appréciées. Pas de caricature, pas de jugement tranché : seulement des hommes et des femmes, avec des faiblesses, des petitesses, mais aussi des moments de grâce.

Le seul point que j’ai trouvé un peu agaçant, c’est qu’Alexis Ragougneau mette en scène ses propres pièces de théâtre, que Jean-François est censé avoir écrites, et que Niels aurait mises en scène. Dans les articles scientifiques, on appelle cela de l’auto-citation, et c’est souvent employé par des chercheurs qui espèrent faire ainsi monter leur h-index… mais le procédé est en général considéré comme relativement inélégant. En même temps, on peut se dire que ce sont des pièces qu’Alexis Ragougneau connaît bien. Bon, j’ai décidé de lui accorder le bénéfice du doute…

En tout cas, au final, je vous recommande chaudement cette lecture. Moi, j’ai passé un très bon moment de lecture, qui fait réfléchir, et ce n’est pas à négliger !

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1 réflexion au sujet de “Niels”

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