Chronique de Ces orages-là, de Sandrine Collette.
« À son signal, elle se mettait à courir. Le coeur affolé par les trois heures à venir – trois heures d’une fuite éperdue dans la nuit trop noire, trois heures à tenir, car c’était de cela qu’il s’agissait, elle ne devait pas être prise avant quatre heures du matin, c’était cela le jeu, il la laissait partir quinze minutes avant de se lancer derrière elle, elle savait qu’il mentait, il se jetait à sa poursuite bien plus tôt que ça, elle entendait ses pas l’accompagner sur les feuilles du sous-bois. »
Sandrine Collette, Ces orages-là, Éditions JC Lattès, 2021, p. 120.
Motivations initiales
Vous commencez à nous connaitre depuis le temps… Vous savez que l’un(e) de nous aime particulièrement les histoires bien « gores », dans lesquelles le sang gicle plein les murs. Mais ce n’est pas si simple : il faut qu’il y ait un bon équilibre, que ce ne soit ni « too much » et gratuit, ni « pas assez », mièvre… Mais avec Sandrine Collette, cette question-là ne se pose pas : ses romans vous tordent les tripes et vous font avoir de belles frayeurs. Depuis Des noeuds d’acier, chaque sortie d’un livre de cette auteure est rapidement suivie d’un passage en librairie, et, à peine le roman fini, commence l’attente impatiente du suivant !
Synopsis
Pervers, toxique, malsain, manipulateur : voilà les mots qui caractérisent le mieux Thomas. Et pourtant… pourtant lorsque Manon parle pour première fois de lui à sa cousine Clémence, elle est sûre que ces deux-là vont s’accorder parfaitement et que Clémence pourrait connaitre le bonheur aux côtés de cet homme.
L’adage selon lequel on ne connait jamais parfaitement une personne s’illustre parfaitement ici. Clémence va être muselée, se faire constamment rabaisser par Thomas, réduite à rester dans une cage dorée pour que son bourreau ne perde jamais l’emprise sur elle.
Mais un jour, l’oiseau tente de fuir le nid et de se reconstruire. Clémence laisse derrière elle sa vie, son travail, elle s’enfuit sans se retourner. Mais cette décision, salutaire, déclenche une véritable traque, identique à celle entre un chasseur et sa proie. Cours, Clémence, cours encore et toujours, ne regarde pas derrière toi…
Avis
Ce que j’aime tout particulièrement chez Sandrine Collette, c’est, sans hésitation, sa capacité à muer comme un serpent ! Ses ouvrages sont tous différents les uns des autres allant du roman gore au roman post-apocalyptique, en passant par une partie de chasse, mais en conservant un niveau d’efficacité incroyable ! Le principal point commun entre toutes ces histoires, c’est la nature, une nature qui occupe une place centrale dans toute ces intrigues. Et, dans ce dernier opus, alors qu’elle est moins présente, du moins directement, c’est à l’exploration de la nature humaine que nous sommes conviés ! Et, disons-le tout de suite, la noirceur des personnages est encore plus inquiétante que la plus sombre des forêts…
L’histoire de Clémence pourrait être un « simple » roman psychologique, avec un thème qui semble déjà vu et revu, et qui pourrait faire fuit certains lecteurs. Mais c’est Sandrine Collette, alors ce n’est pas aussi simple ! L’auteure nous offre en effet un livre qui est évidement un roman noir, mais également une sorte de journal intime. La dimension intimiste de ce roman fait que nous nous attachons à Clémence, nous ressentons ses fragilités, ses cassures. En tant que lecteur, on n’a qu’une envie : lui tenir la main, l’accompagner vers la guérison, lui promettre que des jours meilleurs vont arriver très prochainement, lui dire de s’accrocher, de ne surtout pas replonger dans cette relation toxique.
L’écriture est noire, glaçante, mais Sandrine Collette n’en fait jamais trop, juste ce qu’il faut pour toucher le lecteur jusque dans sa chair. Et, en même temps, c’est un récit lumineux, de renaissance et d’espoir. Pas besoin de surjouer, pas besoin d’en faire des tonnes, Sandrine Collette vise juste, elle appuie là où ça fait mal.
Une interrogation, pour finir : il me semble que, plus que d’habitude, Sandrine Collette emploie des incises, et pas des incises de quelques mots, mais sur des passages bien plus longs, comme si cette histoire était en fait une gigantesque incise. Une incise dans la vie de Clémence ? Une incise dans notre vie ? Une incise dans la vie des gens normaux ?
C’est vrai, c’est captivant, c’est haletant. En ouvrant ce livre, vous mettez les pieds dans un véritable ascenseur émotionnel. Alors allez-y, courrez à travers bois, forêts, dans la nuit noire ou en pleine journée, pour vous procurer d’urgence Ces orages-là !
