Chronique de Le livre jaune, de Michael Roch.
« Nous courûmes affolés, sous les cafards et les rats morts, sous les colombes cendrées et les serpents noueux qui quittaient les cieux noircis de brumes malades. Ils assommèrent les tuiles et les gouttières, fracassèrent les vitres et les lanternes, gorgèrent les rigoles et les tombeaux. Puis ce furent les briques, les caillasses et les cordes qui frappèrent nos têtes, puis les terrasses, les maisonnées, les campaniles et les guette-ciels. »
Michael Roch, Le livre jaune, Folio Science-Fiction 2021, p. 34.
Motivations initiales
Vu sur une étagère chez notre libraire habituel, un petit livre mystérieux, à la couverture sombre. Un pirate, un aveugle, le Roi en jaune. Une quête. Tout cela semble bien sympathique, et mérite que ce livre rejoigne ma PAL…
Synopsis
Notre narrateur, un pirate, s’échoue aux rives de la mort, après une errance déclenchée par la phrase définitive que lui a asséné Ananova, « Je ne t’aime plus, et je ne sais pas pourquoi ». Pourquoi, et, surtout, comment vivre après cela ?
Mais il est en fait à Carcosa, la Cité d’Ailleurs, une ville qui semble n’être ni ici, ni là. Et, alors qu’il reprend conscience, il est accueilli par Maar, un aveugle, qui offre de l’emmener à sa destination, une destination qu’il n’a pas choisie mais qui semble s’imposer à lui, auprès du Roi en jaune.
La traversée de Carcosa ne se fait pas sans mal, mais, dès son arrivée auprès du Roi en jaune, force est de constater qu’ils sont tous deux amoureux de la même femme, Ananova, qui les a tout deux quittés. Le Roi en jaune lui offre alors le retour à la vie, s’il le débarrasse de sa malédiction. Une quête à la recherche de ce trésor partagé, et perdu…
Avis
Il est rare que je referme un livre en ayant l’impression de ne rien avoir compris, ou presque. Le livre jaune se distingue déjà par cette caractéristique…
En quatrième de couverture, on nous parle d’un drame féérique et poétique. Et, en effet, c’est féérique et c’est poétique, mais, sans être capable de dire pourquoi, je n’ai été que sur le bord du chemin. Peut-être m’a-t-il manqué aussi de nombreuses références : j’ai cru, par endroits, voir des références à Peter Pan – ce qui serait d’autant moins étonnant que l’auteur a également écrit un Moi, Peter Pan -, mais les autres m’ont échappé.
La citation choisie pour ouvrir cette chronique est à l’unisson de l’ensemble du texte : tout en images ésotériques. Je ne sais pas ce que sont des « cieux noircis de brumes malades » ; je n’ai jamais vu de cafards assommant des gouttières.
Un peu plus loin dans le texte (p. 42), je crois avoir relu trois fois le passage qui suit : « Mes dents s’étaient cariées d’un temps enclepsydré et la lividité de mon âme teintait mes tempes de nuages violâtres. La vie avait laissé ses entames sur mon visage de bourlingueur ». Les entames en question sont-elles des cicatrices violacées et boursoufflées ? Mais quel lien alors avec la lividité de son âme, et quel effet a voulu créer l’auteur avec ce néologisme « enclepsydré » ?
Bref, j’ai passé plus de temps à me demander ce que les mots alignés et associés voulaient dire qu’à me laisser porter par l’histoire, signe indéniable du passage à travers… Ma rationalité (au moins de façade…) a empêché que j’entre dans ce flux poétique.
J’ai pensé un moment que la magie avait commencé à opérer. Page 77, on attaque une partie titrée Ananova, dans laquelle l’auteur nous décrit d’abord la rupture, puis la relation, et enfin la rencontre. Là, il y a étincelle, les images m’ont parlé davantage. Le mystère de la rencontre, le mystère que l’autre constitue – et demeure, puisque jamais nous n’accédons à sa réalité intime, quoi que nous partagions -, le mystère de la fin de l’amour : un temps, j’ai failli parvenir à raccrocher les wagons…
Mais, page 105, débute la quatrième et dernière partie, Le Signe jaune. Et là, le peu que j’ai eu l’impression de comprendre va à l’inverse de ce que je crois profondément. Mais je n’ai pas la certitude d’avoir correctement interprété ce que l’auteur a voulu décrire. J’ai cru comprendre qu’il considère que, dans la vie, l’amour serait tout. Mais, à nouveau, les formules permettent toutes les interprétations, comme cette description (p. 114) par le Roi en jaune d’un « oiseau déplumé, la peau blanchie par les vents de la lune, immense à en couvrir les nimbes de la haute atmosphère. Il se traîne du bout de ses métacarpes sur le sol volcanique de la bordure du gouffre de Demhe et regarde la terre comme on regarde l’amour : avec la peur constante de se brûler ».
Puis, page 130 : « [La vie] n’était que le navire voguant à l’improviste sur les mers d’azur et sa voile, sa voile n’était autre que l’amour. […] L’amour est l’unique et bonne raison de faire face et de tenir bon. Il prouve que nous ne sommes pas seuls, qu’il vaut la peine de se battre pour lui ».
Sauf que, justement, même avec l’amour, même dans l’amour, il me semble que nous restons encore seuls. Et que ce n’est qu’en prenant à bras le corps cette solitude primordiale que nous avons une chance d’accéder à l’amour.
Bref, je ne fais pas honneur à ce livre, que je n’ai pas compris. Sa poésie n’est pas pour moi. Et je ne recommanderai pas ce livre aux plus cartésiens de ceux que je connais… Mais mon avis ne dois pas décourager celles et ceux qui, contrairement à moi, pourraient se laisser embarquer dans cette poésie !

Bigre…. Je passe… Pas pour moi 😉
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Je comprends ! Mais la vie de lecteur c’est ça, des bonnes surprises et des moins bonnes ! 😂
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