Chronique de Petite, de Edward Carey.
« – Je suis la servante. Et je plante les cheveux.
– Je viens vous proposer une place comme maître de sculpture auprès de Sa Majesté Madame Élisabeth de France, annonça-t-il. Avec un temps de mise à l’essai. Seriez-vous disposée à accepter ?
Les mots refusaient de monter jusqu’à ma bouche.
– Seriez-vous disposée ? insista ce monsieur.
C’est tout juste si j’arrivais à respirer. Alors j’ai hoché la tête. »
Edward Carey, Petite, Le cherche-midi, 2021, p. 253.
Motivations initiales
Parfois, j’entends parler de certains livres et je me dis qu’il me les faut ABSOLUMENT ! C’est le cas avec celui-ci, j’avais lu les premiers retours et je me suis dit que ça avait l’air d’être le livre à côté duquel il ne fallait pas passer en ce début d’année 2021 !
Synopsis
Dès son plus jeune âge, Marie Grosholz devient l’apprentie d’un sculpteur sur cire dénommé Curtis. Elle observe son maître, elle apprend l’anatomie sans relâche, elle dessine pour ne rien oublier. Pour des raisons financières assez obscures, Curtis et Marie sont obligés de quitter la Suisse en catimini et de prendre un nouveau départ à Paris.
Grâce au bouche à oreille, le duo devient rapidement célèbre et l’entreprise devient prospère ! Le maître et l’apprentie tirent le portrait des plus grandes personnalités du moment ! Mais pour passer de la gloire à la déchéance, il suffit d’un mauvais pas ou bien d’une parole de trop.
De l’hôtel des singes à la Cour de France, nous suivons l’ascension de celle que l’on connaîtra ensuite sous le nom de Madame Tussaud.
Avis
Tout se bouscule dans ma tête ! J’ai tellement de choses à vous dire au sujet de ce roman que je ne sais par où commencer ni comment m’organiser…
Déjà, je n’ai pas vu le temps passer : dès que j’ouvrais ce livre, le monde autour de moi se figeait et plus rien n’existait ! J’ai embarqué pour un long périple avec comme point de départ Strasbourg et comme destination finale Londres. Je n’ai pas vu les pages filer et lorsque j’ai refermé le livre, je me suis dit « c’est déjà fini ! ». C’est sans nul doute un énorme coup de cœur.
Cette revisite d’une histoire finalement peu connue que nous propose Edward Carey me laisse sans voix. Je suis entièrement d’accord pour dire que ce que l’auteur nous livre ici est un roman que Dickens aurait pu écrire et que Tim Burton aurait pu adapter à l’écran. Peut-être est-ce parce que deux grands noms qui m’impressionnent ressortent suite à cette lecture que ce livre est un coup de cœur ? A méditer !
Quoiqu’il en soit, vous vous demandez peut-être pourquoi la maison d’édition a fait un choix si particulier pour la cover. Pourquoi ce rouge ? Eh bien en fait, cette couleur rouge vif est probablement un clin d’œil au sang car, dans cette histoire, on a droit à notre lot de cadavres et de morts assez glauques ! Mais le rouge c’est également la couleur de la Révolution et l’histoire de Marie se déroule durant cette sombre période ! Et puis que l’on soit bon ou mauvais, on partage tous une chose, cette couleur rouge qui coule dans nos veines. Oui, je sais, c’est plus le contenu qui vous intéresse mais ici croyez-moi tout est pesé, pensé !
Petite, c’est un tourbillon d’émotion, on balance sans cesse entre espoir et désespoir, entre les moments où l’on respire à plein poumons et ceux où l’on sent que l’on frôle l’asphyxie. C’est un roman qui ne laisse pas indemne, c’est un roman qui parle de la condition féminine et de la rudesse de la vie des petites gens à cette époque.
Mais Petite, c’est également un cours d’art, une mise en avant de la sculpture et de la complexité de cette discipline, autant qu’une belle ouverture sur le monde des artistes. Une partie de l’histoire gravite autour des masques de cire, l’auteur nous décrit un monde inconnu, et qui devrait, comme cela a été le cas pour moi, étonner et fasciner la plupart d’entre vous.
Enfin, Petite, c’est une histoire qui se vit autant qu’elle se lit… C’est une histoire pleine de choses étranges et même un peu magiques. Des personnages atypiques que l’on ne croisera pas dans tous les livres, une écriture un peu noire voire un brin gothique qui ne laisse pas son lectorat indifférent, bref un livre majestueux que je ne peux que vous conseiller.
De la Suisse à la France, de l’ascension vers les plus hautes sphères jusqu’à la descente aux enfers dans une prison crasseuse, c’est une histoire qui nous fait découvrir Madame Tussaud et pas simplement le nom d’un musée… Je suis encore sous le coup de cette lecture, qui m’a valu des moments de rires mais également quelques larmes.
