Chronique de Ezequiel Princeton, le cow-boy qui ne voulait pas mourir, de Charles Lesage.
« Il sortit son arme et descendit de cheval pour explorer les sous-bois, sans succès.
– Allons, poursuivons, plus que quelques heures avant le coucher du soleil.
– J’ai ma future descendance en feu, gémit le Batave. Si un jour j’ai un enfant, je lui donnerai le nom de ce satané canasson. Eindhoven Van den Hof, ça sonne pas mal, non ? »
Charles Lesage, Ezequiel Princeton, le cow-boy qui ne voulait pas mourir, Éditions In8, 2022, p. 94.
Motivations initiales
Lorsque les Éditions In8 nous ont proposé de lire un western, la proposition était suffisamment originale pour exciter notre curiosité. Vous, cela fait combien de temps que vous n’avez pas lu un roman western ? Nous, ça se compte évidemment en année, voire en dizaines d’années ! Autant le style a refait son apparition au rayon bande-dessinées, autant dans les romans, cela reste une exception, me semble-t-il.
Qui avait pu se lancer dans une telle aventure, et quel pouvait en être le résultat ? Aussitôt dit, aussitôt fait… Et c’est ainsi qu’ Ezequiel Princeton nous est tombé entre les mains…
Synopsis
Nous sommes en 1866. Dans le désert du Nevada, un homme tente de survivre : Ezequiel Princeton. Il est seul, il n’a plus de cheval. Mais il s’accroche, buvant le sang d’un coyote ou l’eau d’un cactus pour s’hydrater.
Toujours en Amérique, on suit également Wahpasha, un indien Chumash dont le village a été déplacé de force quelques années auparavant. Frêle, mais doté d’un solide appétit de connaissance, il fait le désespoir de son père en se révélant incapable de maîtriser les méthodes de divination de son peuple. Formé un temps dans une école « pour blancs », il a appris certains de leurs codes.
À l’autre bout du monde, Bartholomew Van den Hof s’apprête à quitter la Hollande. Il a le goût de l’aventure, la volonté d’échapper à la carrière de notaire à laquelle la tradition familiale semble le condamner. Il s’embarque pour les Amériques, avec pour objectif d’atteindre Sacramento, en Californie, où un oncle lui a légué une concession minière.
Ces hommes auraient pu ne jamais se rencontrer. Mais le hasard…
Avis
Voilà bien un roman inattendu ! On comprend naturellement tout de suite que l’on ne va pas être dans le western romantique des années 50, tout à la gloire des pionniers, certes un peu rudes mais courageux et, pour la plupart, droits. Non, on sait très vite que l’on va avoir les pieds dans la fange, que ça va sentir fort, que c’est chacun pour sa peau !
On suit trois trames d’histoire, sans savoir ni quand ni comment elles vont se retrouver et se mêler. Assez rapidement, Batholomew et Ezequiel se rencontrent et s’adoptent. Le premier est conscient de ne pas être suffisamment préparé pour mener à bien seul son aventure et effectuer le trajet de New York jusqu’à Sacramento. Le second a passé sa vie à attaquer des banques et des chercheurs d’or, il a tué plus de raison, mais prétend vouloir se racheter une conduite.
Évidemment, à la première occasion, alors que Bartholomew se fait kidnapper par quatre hommes qui ne lui veulent pas du bien, le premier réflexe d’Ezequiel, c’est de sauver sa peau. Mais, finalement, il revient sur ses pas, et parvient à libérer le jeune hollandais de ses liens. Dès lors, leur sort semble lié !
L’histoire, finalement, comme pour tout western, est très simple. Trois hommes cherchent à se procurer ce qui leur tient le plus à cœur. Et, pour y parvenir, ils sont prêts à braver le froid, la pluie, les loups et les grizzlis, l’adversité… L’essentiel, c’est de survivre. Et d’avancer, de préférence droit devant.
Mais, ce qui est beaucoup moins simple, évidemment, c’est que ce sont des hommes. Avec leurs envies, leurs rêves, leurs désirs, leurs égoïsmes, leurs cachotteries. Et en cela, ce n’est pas un western, c’est une histoire de vie.
Il y a des fulgurances, dans ce livre, qui nous tirent des sourires, ou qui nous font réfléchir. Ezequiel, on le découvre vers la fin, aurait pu devenir banquier en Écosse, mais il a choisi, comme Bartholomew plus tard, de vivre l’aventure. Et une partie de sa philosophie de vie nous est donnée par l’auteur : « Il avait préféré tenir le flingue pour de bon, plutôt que de spéculer sur des entreprises de vente d’armes. Il lui avait semblé devenir plus humain en embrassant l’autre côté de la loi. Il se voyait, lui, Princeton, comme une sorte de Robin des Bois » (p. 164). Et, en effet, est-on plus humain en se tenant à distance des réalités, en ne jouant qu’avec des chiffres, sans se sentir comptable de la réalité qui se dissimule derrière ces derniers, ou en se confrontant à la vraie vie ? La question mérite d’être posée.
Ce livre plutôt bref, en tout cas au vu des standards actuels (220 pages) se lit bien. Et l’on apprécie de se laisser surprendre à la fin. Alors, envie d’aller rôder avec des pionniers à peine dégrossis ? Cet Ezequiel Princeton se propose d’être votre guide !
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.
