Roman, Roman noir

Trois sœurs

Chronique de Trois sœurs, de Laura Poggioli.

« Dans cette Russie où j’habitais alors, la sécurité que je ressentais dans l’espace public différait en tout point de la violence que je vivais de plus en plus souvent avec le garçon que j’aimais.

Laura Poggioli, Trois sœurs, Éditions l’Iconoclaste, 2022, p. 180.

Motivations initiales

Je dois vous avouer que ce livre a rejoint ma PAL juste parce que tout le monde en parlait de façon élogieuse… Je me suis dit qu’il fallait absolument que je me fasse mon propre avis et voir si j’étais d’accord avec les autres bookstagrammeurs !

Synopsis

Elles sont trois, trois sœurs. Elle subissent les humiliations, les coups, les viols de leur père de façon quotidienne. Depuis que leur mère a quitté définitivement la maison, elles sont les esclaves de leur père et doivent se plier à toutes ses demandes. Leur seule solution pour vivre sereinement et retrouver leur liberté, tuer leur père. 

Dans toute la Russie, on ne parle que de cette affaire, deux camps s’opposent, l’un défendant les trois sœurs, l’autre les condamnant pour le geste ignoble qu’elles ont commis. 

Laura Poggioli est une française qui s’est passionnée pour la Russie. Elle a vécu à Moscou, et elle a été confrontée à cette violence domestique en pensant naïvement que c’était de sa faute. Comme le dit le proverbe russe  » S’il te bat, c’est qu’il t’aime », donc inutile de porter plainte ou même de se plaindre… 

Avis

Laura Poggioli nous offre ici un roman assez incroyable dans lequel se juxtaposent trois visions pointant du doigt la domination masculine et la violence qui règne dans un silence quasi absolu dans certains foyers russes. Ici, l’auteure décortique le quotidien noir et sans aucun échappatoire possible des trois soeurs Khatchatourian. Elles sont soumises à la volonté de leur père, elles sont ses esclaves et ses souffre-douleur. L’auteure croise habilement leur histoire avec leur inculpation et leur jugement, en montrant bien que la Russie entière se déchire à ce sujet. Et pour donner plus de profondeur à son histoire, elle ajoute sa propre histoire personnelle, sa relation avec son premier grand amour qui est violent et qui l’humilie…

L’intérêt de ce livre est de mettre en lumière la condition de la femme en Russie. Les exemples donnés dans le livre laissent à penser que la violence domestique est, en Russie, un mode de fonctionnement courant. Elle est même illustrée par un proverbe : « S’il te bat, c’est qu’il t’aime », qui montre une fois encore le machisme qui peut être présent dans l’intimité. L’emprise patriarcale très – et trop ! – importante dans de nombreux foyers, semble être banalisée. Bien qu’une évolution sur le sujet semble être en marche, l’auteure nous livre ici un cri de détresse sur des événements courants et qui montrent une fois encore que l’obscurantisme est à nos portes ! 

En revanche, là où je suis un peu sceptique, c’est concernant sa tentative d’explication concernant le retard de la Russie au sujet des violences faites aux femmes. Je trouve que se servir des régimes totalitaires et plus particulièrement du stalinisme est vraiment trop simpliste comme conclusion et ça mériterait une étude plus approfondie… 

Malgré tout, l’histoire de ces trois sœurs me restera en mémoire. Solidement documenté, ce livre est brutal, percutant et captivant, autant par ses mots que par les faits qu’il met en lumière et qu’il dénonce. Sa lecture peut également être une bonne manière de montrer à certaines femmes russes qu’elles ne sont pas seules dans leur lutte contre cette violence institutionnalisée.

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

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