Chronique de Non officiel, de Dan Fesperman.
« Toute la journée, elle attendit que quelqu’un se manifeste et remâcha l’affirmation vague d’Eileen Walters, selon laquelle d’autres se rallieraient à sa cause. Mais personne ne frappa à sa porte et son téléphone ne sonna pas. Lorsqu’elle parcourut les couloirs – deux fois pour aller aux toilettes, une en salle de repos -, elle ne croisa aucun de ses collègues et aucun ne la demanda. Regardant droit devant elle, elle ignorait si quelqu’un osait la regarder. »
Dan Fesperman, Non officiel, le cherche midi, 2022, p. 120.
Motivations initiales
Nouvelle lecture dans le cadre de la TeamThriller du cherche midi, ce nouvel ouvrage de Dan Fesperman déjà découvert, au cherche midi, avec L’écrivain public. La 4e de couv nous annonce un Dan Fesperman faisant « une nouvelle fois preuve de son talent prodigieux d’écrivain », on est évidemment preneurs. Alors, de quel bois est fait ce Non officiel ?
Synopsis
En tout cas, le synopsis est alléchant, avec une double trame narrative. La première se déroule à Berlin-Ouest (notamment) en 1979, donc au temps de la Guerre froide, alors que la ville allemande est un haut lieu de l’affrontement entre les services secrets de tous les grands pays. Et, en effet, Helen Abell, une jeune américaine, est engagée par la CIA pour s’occuper des résidences sécurisées dans lesquelles les agents peuvent se rencontrer, se cacher…
La seconde trame narrative prend place en 2014, alors qu’un couple de paisibles retraités a été assassiné dans sa ferme du Maryland. Le principal suspect est Willard, leur fils, un garçon un peu « bizarre ». Mais Anna, sa sœur, veut comprendre, et engage le voisin, Henry, un homme arrivé depuis peu et qui a eu l’occasion, dans sa vie antérieure, de mener quelques enquêtes.
Comment ces deux histoires peuvent-elles se rejoindre ? Anna et Henry parviendront-ils à faire la lumière sur les zones d’ombres de cette histoire, ou, au contraire, se feront-ils happer par l’histoire en marche ?
Avis
Disons-le, voilà une excellente lecture, qui emploie certes des codes connus et éprouvés – la CIA à Berlin, le monde mystérieux et parfois opaque des agents secrets, … -, mais en nous permettant de découvrir un aspect nettement moins classiques : celui des planques, de toute cette organisation du quotidien qui permet aux agents de s’échapper, de se reposer, de se soigner… Mais, précisément, que s’y passe-t-il donc, dans ces planques ?
Dan Fesperman parvient en effet, comme cela nous avait été annoncé, à conserver une tension continue à son récit. Pas de moments de creux, pas d’occasion de lâcher le fil. Comme Helen, on a régulièrement la tentation de regarder par dessus son épaule, pour vérifier que l’on n’est pas suivi, surveillé, guetté, épié… On se surprend à être plus attentif aux reflets dans les vitrines, à regarder avec plus d’attention que d’ordinaire dans son rétroviseur. Bref, on est dedans !
Et c’est peut-être encore plus fort que l’auteur nous donne très rapidement à comprendre qui sont réellement les protagonistes de l’affaire. Il ne cherche pas à la jouer à l’épate, mais s’appuie plutôt sur une narration solide, argumentée – une note / postface nous précise d’ailleurs tout ce qui, dans cette histoire, provient directement des archives de la CIA, parfois même repris textuellement, et j’ai déjà eu l’occasion de dire pour d’autres livres combien j’apprécie qu’un auteur se livre à ce jeu de la vérité.
Bref, cela fonctionne bien, on s’attache aisément aux personnages et à leurs insuffisances. Les ambiances m’ont semblé être bien rendues, en tout cas je n’ai pas eu de mal à m’imaginer dans les différents lieux et aux différentes époques.
Si je devais avoir un petit regret, c’est qu’il aurait pu y avoir un personnage un petit peu plus creusé, celui d’Anna. Ses parents viennent d’être assassinés sauvagement, son frère est accusé du meurtre, elle doit aussi faire face à la culpabilité de s’être éloignée pour s’occuper d’elle, laissant la famille « se débrouiller ». Quand elle revient, tout le monde ne regarde évidemment qu’elle. On aurait pu camper là un personnage féminin hors du commun. Alors, certes, le livre est déjà plutôt épais – 500 pages, à peu de choses près -, mais cela aurait été mérité. Là, elle semble un peu survoler les choses. Et à un moment, quand elle évoque dans un dialogue le fait qu’elle a été portée par l’action, qu’elle s’est immergée dans la recherche d’indices pour, justement, mettre de côté le côté lourd de l’affaire, elle semble presque balayer cela du revers de la main. Visiblement, ce n’était pas ce livre-là que l’auteur souhaitait écrire, et il a donc raison !
Alors, ça vous tente de venir prendre un cognac dans une planque de la CIA, en 1979 ? Réfléchissez avant de répondre, parce que vous ne savez ce que vous risquez de découvrir, d’entendre ou de voir… Il ne faudra pas venir vous plaindre après !
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.
