Roman noir, Thrillers

Iboga

Chronique de Iboga, de Christian Blanchard.

« Cette nuit, j’ai mal dormi.

Max est revenu à plusieurs reprises. Je l’ai repoussé comme je l’ai pu. Il n’a pas changé. Toujours le même. Pas vieilli. Son corps a disparu mais son âme est toujours présente. Elle me suit, me hante… ne me quittera jamais. Plus qu’un souvenir, je la sens à mes côtés. Il faudrait peu de choses pour qu’elle se matérialise, qu’elle reprenne son corps d’origine. »

Christian Blanchard, Iboga, Éditions Points, 2019, p. 104-105.

Motivations initiales

Vous n’en serez pas forcément étonnés, mais il arrive qu’entre Ô Grimoiriens, nous nous offrions… des livres. Si, je vous assure ! Nous en recevons, nous nous en achetons, et nous nous en offrons. Comment s’étonner, dès lors, que nos étagères débordent ? Ah mais, en réalité, nous ne nous en étonnons pas, ou plus… Nous nous contentons de faire parfois un tri, et, à d’autres moments, de tenter d’imaginer où nous pourrions trouver la place pour rajouter une bibliothèque…

Synopsis

Jefferson Petitbois, 17 ans, vient d’être condamné à mort. Nous sommes en 1980 ou 1981 et les plus de 50 ans se souviendront qu’en 1981, l’élection de François Mitterand a ouvert la voie et qu’en octobre, Robert Badinter, Garde des Sceaux, a porté le texte qui a aboli la peine de mort.

La condamnation à mort de Jefferson est donc commuée en prison à perpétuité. Alors que le temps était l’ennemi, celui qui le rapprochait de sa rencontre avec « Louisette » – surnom donnée à la guillotine, il devient l’ennemi, celui qui ne s’écoule plus. Enfermé dans une cellule, coupé de tous – personne ne vient le voir, si ce n’est, de loin en loin, son avocat, un prêtre et puis, au bout d’un moment, une psy -, seuls les fantômes de ses victimes et de celui qui l’a accompagné sur le chemin du meurtre sont à ses côtés. Et Germaine, une souris.

Qui est Jefferson Petitbois ? Et quelle est son histoire, réellement, sa vérité ?

Avis

Ce livre est tout à fait déstabilisant. Et, au moment de commencer cet avis, je ne sais pas par quel bout le prendre…

Au début du livre, on découvre Jefferson, qui vient d’être condamné, et qui a peur. Peur de mourir. Sous le choc. Pourtant, il est coupable et il le sait. Il ne nie pas. Peut-être même a-t-il reconnu des actes qu’il n’a pas commis lui-même.

Ce dernier condamné à mort par la justice française est un jeune homme, noir de peau. Détruit par une enfance marquer par l’abandon et l’absence d’amour – il a été abandonné à la naissance, ou quasiment, et doit son nom au fait qu’il a été retrouvé… dans un petit bois -, trimballé de foyers en familles d’accueil, il n’a pas appris à vivre en société. Il a tenté de survivre, jusqu’au jour où, à 13 ou 14 ans, il a décidé de mettre fin à ses jours. Il est sur une plage, il va se noyer. Mais il est sauvé par un homme, Max. Qui le sort de l’eau et, le premier, va l’écouter. Et lui faire découvrir Iboga, une substance qui provoque une sorte de transe. Jefferson va passer ainsi pratiquement 2 ans d’hallucinations quasi-permanentes, pendant lesquels Max va, sous prétexte de lui ouvrir le chemin d’un destin unique, l’amener à tuer une jeune fille et des SDF.

Ce qui est frappant, dans la façon dont ce livre est écrit, c’est que l’on a la sensation de ressentir, réellement, l’inversion du temps. De l’urgence du début du livre, tant que Jefferson s’attend à tout moment à être emmené à la guillotine – il sait seulement qu’on viendra le tirer du lit avant l’aube, pour le préparer, avant de lui trancher la tête -, on passe à une absence de rythme, lorsque chaque seconde, chaque minute a la même valeur, le même contenu, la même absence que celle d’avant et celle d’après. Sans s’en rendre compte, on se retrouve insidieusement à adopter cette sensation…

Ma première réaction, au départ, a été de me demander pourquoi le personnage central du livre devait être noir. Pourquoi l’auteur avait-il choisi que Jefferson soit noir ? Je reconnais dans cette réaction initiale l’influence des discours actuels, woke et autres, qui amènent à se poser des questions dès lors qu’une couleur de peau est évoquée. Et, forcément, parmi les gardiens de prison, il s’en trouve un pour être plus raciste que les autres, prendre Jefferson en grippe et lui mener la vie dure.

Puis, progressivement, on découvre comment Jefferson est en réalité une victime. Oui, il a commis des actes odieux. Bien sûr, il est dévoré de l’intérieur par la colère. Évidemment, il a tout de l’allumette qui n’attend que la flamme pour s’embraser. Mais tout à concouru pour ne lui laisser aucun choix, jusqu’à tomber entre les pattes de ce Max, qui l’a drogué, manipulé, influencé.

Mais Max existe-t-il ? Ou alors toute cette histoire tient-elle, justement, de la manipulation pour expliquer son geste ? Et puis cet homme s’éveille, petit à petit, à la musique, à la lecture, à l’écriture. Il écrit et, quand il ne parvient pas à mettre les mots sur sa vie, il dessine. La musique l’emporte ailleurs ; la lecture lui permet de construire sa réflexion ; l’écriture, finalement, lui permet d’expurger ce qu’il a traversé.

Mais la vraie question qui reste après cette lecture, c’est celle de savoir si la justice humaine est forcément inhumaine. En tout cas, elle me trotte dans la tête depuis que j’ai fini ce livre. Et j’ai l’impression de ne pas savoir comment y répondre…

Alors, oserez-vous rejoindre Jefferson dans sa cellule, l’accompagner dans sa vie derrière les barreaux ?

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

1 réflexion au sujet de “Iboga”

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