« Au final, qu’est-ce qu’une relation, sinon deux personnes, et entre ces deux personnes un espace de surprises, de malentendus, de choses inexpliquées. Une autre façon de le formuler serait peut-être de dire qu’il y aura toujours de la place entre deux personnes pour un imaginaire voué à l’échec. »
Katie Kitamura, Les pleureuses, Éditions Points, 2018, p. 59.
Motivations initiales
Ayant la chance de faire partie du jury du Prix 2019 du meilleur roman des lecteurs de POINTS, nous avons reçu les premiers livres de la sélection, dont celui-ci.
Cinquième lecture, cinquième chronique.
Synopsis
Elle et Christopher sont mariés depuis quelques années lorsque, finalement, leur mariage bat de l’aile. Et ils se séparent. Mais, à la demande de Christopher, ils n’ont prévenu personne, pas même ses parents à lui, Isabella et Mark. Elle essaye de construire une nouvelle vie avec Yvan. Mais, lorsque, parti en Grèce depuis quelques semaines, Christopher disparait, Isabella appelle sa belle-fille pour lui demander de se rendre sur place.
Elle arrive dans un petit hôtel, dans une petite ville. La région ayant subi d’importants incendies, elle est presque la seule touriste. Rapidement, elle pense deviner une liaison passagère entre Christopher et Maria, l’une des réceptionnistes de l’hôtel.
Puis le corps de Christopher est retrouvé. Elle doit l’identifier à la morgue. Puis Isabella et Mark arrivent…
Avis
> L’avis de T
D’abord une remarque sur le titre de ce livre. En anglais, il s’appelle A separation, traduit, en français, par Les pleureuses. Et ce titre français est assez déstabilisant, et, de mon point de vue, assez trompeur. En effet, là où le titre anglais pointe sur le fait que l’histoire est liée à la séparation d’un couple et à ses conséquences, le titre français pointe sur une péripétie assez mineure. Du coup, on attend les pleureuses, on a le sentiment que cela pourrait avoir un impact sur l’histoire et… ben non !
En même temps, je trouve cela assez représentatif de tout ce livre. Il n’y a pas vraiment d’intrigue, puisque l’on sait très vite que Christopher est mort, et [spoiler] on ne saura jamais pourquoi, parce que ce n’est, en réalité, pas le sujet.
Non, le vrai sujet, c’est le cheminement de cette femme, de cette narratrice, qui vient, contrainte et forcée, en quelque sorte, à la recherche d’un homme dont elle est séparée. Son objectif premier, au début du livre, est de profiter de ce voyage pour mettre les choses aux clair entre eux, avant de revenir vers Yvan, son nouveau compagnon. Mais, dans cet hôtel, confrontée à cette disparition, mais aussi à la disparition de l’amour, elle se retrouve emportée dans une introspection imprévue.
Malgré sa grande justesse – le choix de la citation qui débute cette chronique s’est imposé de lui-même, car elle dit quelque chose à quoi je crois profondément -, ce livre m’a laissé au bord du chemin. À aucun moment, je n’ai eu le sentiment d’être en phase avec cette femme. Elle va nager, et on en vient presque à se dire que, si elle manquait de se noyer, cela créerait du sens… mais non, elle revient sur la berge. Elle déjeune avec celle dont elle imagine qu’elle a eu une liaison avec son ex-mari, et on imagine que le repas pourrait tourner à l’affrontement, et… non, en fait, non. Elle ne s’est jamais entendu avec Isabella et Mark, les parents de Christopher, et on imagine que, dans de telles circonstances, des vérités pourraient être enfin dites… mais rien, encore rien !
Finalement, l’impression que me laisse ce livre, et en cela il dit une certaine vérité de cette histoire d’amour, c’est celle d’un gâchis. Toutes les occasions qui se présentent vont être manquées. Occasions de vérité, occasions de vie, occasions de liberté, consciencieusement évacuées les unes après les autres.
J’ai conscience que, dit ainsi, cela semble avoir été une lecture calamiteuse. Mais ce n’est pas cela. La lecture est restée plutôt fluide, aisée. Mais j’ai toujours été en décalage avec l’histoire, et j’en suis, du coup, ressorti sans que cela me laisse de traces…