Chronique de Les guérir, d’Olivier Charneux.
« L’homosexualité s’explique par un manque de testostérone. Si je conçois une glande artificielle qui comble ce déficit par une diffusion constante d’hormone, je pourrai guérir les patients. Il suffira de l’implanter sous la peau et le problème sera réglé. »
Olivier Charneux, Les guérir, Éditions Robert Laffont, 2016, p. 43.
Motivations initiales
Ce roman a rejoint ma PAL il y a plus de deux ans déjà… En tentant de réorganiser mes bibliothèques et mes lectures à venir, je me suis dit qu’il fallait absolument que je le lise car il m’intriguait – je voulais savoir si l’auteur s’appuyait sur des faits réels ou bien s’il avait tout inventé…
Synopsis
Danemark. Carl Vaernet est issu du monde paysan. Son père est éleveur de chevaux dans le Jutland et a appris très tôt à ses fils l’importance des races et de ne pas les salir en les croisant entre elles. Soucieux de voir ses fermes perdurer, le père projette de les donner en héritage à ses fils. Mais Carl a d’autres rêves, il se passionne pour la médecine et décide de quitter la campagne pour la grande ville et les études de médecine.
Il se passionne pour les travaux sur la « race pure » ou l’homosexualité de grands spécialistes, comme le danois Knud Sand. Avide de gloire et d’argent, Carl est persuadé que lui aussi sera un scientifique reconnu qui révolutionnera l’avenir en « transformant les hommes »…
Dans les années 1930, les mouvements nationalistes et fascistes envahissent l’Europe. Le Danemark n’est pas épargné et le docteur Vaernet comprend que seul ce courant politique pourra l’aider à avancer dans ses recherches…
Si la période d’avant-guerre a permis au docteur de se faire un nom et de devenir célèbre au Danemark, la guerre le plonge dans la faillite et dans la misère. De plus, la Résistance danoise le prend pour cible et l’accuse de fricoter avec l’ennemi. Une seule solution : partir en Allemagne pour continuer à faire progresser la science.
Dès lors, tout s’enchaîne. Carl approche Himmler. Celui-ci est séduit par les idées du docteur car, pour lui aussi, l’homosexualité est un fléau qu’il faut éradiquer de la société pour conserver une race pure et ne pas observer de déviance chez les hommes. Carl obtient donc de l’argent, du matériel et surtout des cobayes vivants, détenus à Buchenwald, pour mettre au point sa glande artificielle.
Avis
> L’avis de C
J’ai dévoré ce livre et pourtant la panne de lecture sévissait depuis quelques jours ! Comment vous décrire ma lecture ? J’ai eu l’impression d’être sur des montagnes russes émotionnelles ! L’indignation, la compassion, la colère et l’espoir de justice sont des sentiments qui ne m’ont pas quitté durant ma lecture.
Je savais – comme beaucoup d’entre nous – que le « staff médical nazi » avait fait de nombreuses expériences sur les détenus des camps et notamment dans le bloc 46 du camp de Buchenwald… Mais là, j’avoue que ça dépasse l’imaginable !!! Prendre une vie pour simplement assouvir ses rêves de grandeur me paraît déjà démesuré mais ce qui me fait rager, c’est le mensonge qui se cache derrière, on hésite pas à falsifier les compte-rendus d’expériences pour prouver que le travail du docteur Vaernet est important et va permettre à la nation allemande de se reconstruire sainement après-guerre puisque l’homosexualité ne fera plus partie de la société. Ces gens n’ont-ils vraiment aucune conscience ?
Là où l’auteur fait un travail exceptionnel et épatant, c’est concernant le travail de recherches avant la phase d’écriture. J’ai appris des tonnes de choses – et pourtant croyez-moi sur la période j’en connais déjà un rayon ! Effectivement, lorsque l’auteur nous parle de l’ascension du docteur au sein du régime nazi, tout est vrai, mais ce qui me choque le plus c’est que, dès les années 1900-1910, des études sur l’homosexualité étaient déjà menées pour avertir les populations en prétendant qu’il s’agissait d’une maladie mentale et que l’on comparait cela à la peste – lorsque l’on était en contact avec un sujet contaminé, obligatoirement nous allions devenir homosexuels… Bref j’ai passé une bonne partie de ma lecture mon iPhone à la main pour vérifier sur le web si les dires de l’auteur étaient réels.
Ce livre est affreusement révoltant mais passionnant. Il met en lumière la complexité de savoir qui est coupable d’avoir mené ses expériences – l’individu ou le groupe ? Il met également en lumière le long chemin de croix des rescapés pour être reconnus comme des victimes du régime nazi. En effet, certaines personnes ont reçu une indemnité pour avoir été utilisées comme souris de laboratoire… mais il leur a fallu attendre le début des années 2000. Et en trame de fond, ce livre traite également de l’homosexualité et montre encore toute la stigmatisation qui existe : pour mémoire, ce n’est que depuis 1990 que l’ONU reconnait que l’homosexualité n’est pas une maladie mentale…