Chronique de Où vont les fils ?, de Olivier Frébourg.
« Dans mon enfance, le magasin où allait ma mère pour des cadeaux de naissance se trouvait dans le centre-ville à côté du magasin de jouets Le Dauphin et du cinéma Le Royal. Les trois ont disparu comme la librairie La Licorne. Les commerces sont désormais des parallélépipèdes métalliques, dans des zones périurbaines. Ce décentrage est aussi celui de ma génération. Nous sommes les enfants des ronds-points, tournant autour de la verticalité sans nous y accrocher. »
Olivier Frébourg, Où vont les fils ?, Mercure de France, 2019, p. 14.
Motivations initiales
Ce livre, dont je ne connaissais pas l’auteur, est proposé dans la catégorie Essais du Grand Prix des lectrices ELLE. Occasion de découvrir une plume, un éditeur – Mercure de France -, un point de vue.
Synopsis
Le narrateur se retrouve, un beau jour, seul avec ses trois enfants. Sa femme est partie. Elle brise, ce faisant, l’idée de la famille qu’il avait en tête. Comment être père quand on ne s’attendait pas à cela ?
Avis
> L’avis de C
On pourrait penser, au démarrage, que ce livre tourne autour de la séparation, de la fin du couple. Mais, en fait, non. On ne sait en fait rien des raisons pour lesquelles elle est partie, ce n’est tout simplement pas le sujet.
Certes, c’est la rupture qui amène cet homme à cet état. Mais même s’il semble très atteint par ce qu’il vit comme une trahison, et s’il a visiblement du mal à passer à autre chose, son interrogation porte bien davantage sur ce qui suit – c’est à dire sa relation avec ses fils – que sur la fin de l’amour.
Mais surtout, ce qui me frappe, c’est l’impression d’une génération de transition : la génération née dans les années 60 a en effet eu à affronter – ou à faire – la transition entre des valeurs collectives et des valeurs individuelles. D’exception, le divorce est devenu une généralité ; la libération des mœurs s’est fracassée sur l’apparition du SIDA ; la religion a laissé une place, bientôt occupée par le dieu « argent ».
Cela vaut quelques très belles pages, dont celle sur l’émergence du « mono ». Monokini, monoski, monospace… puis monoparental !
Mais l’une des interrogations qui traverse ce livre, c’est la question de ce que l’on transmet à ses enfants. Une question qui se pose, on s’en doute, aussi bien aux mères qu’aux pères, surtout depuis que les « nouveaux pères » existent. Que leur laisse-t-on, déjà, si l’on a échoué dans la stabilité du couple ? Leur laisse-t-on de la colère, de la souffrance, de la douleur ?
Les références sont terriblement – ou merveilleusement ? – générationnelles, de Claude Sautet à Alain Delon, de Nicole Croisille à Mort Shuman, de Brel à Aznavour.
Finalement, c’est une large réflexion sur le temps que nous propose l’auteur, le temps qui fuit, le temps qui passe, le temps qui blesse, le temps qui écaille les images, le temps qui fait déteindre les couleurs. De l’enfance, l’auteur garde le souvenir d’une stabilité rassurante, d’un cadre sur lequel se reposer après l’aventure des traversées du père. Mais ce confort, cette sécurité, il ne pourra pas les transmettre. Et cela lui pose question. Faut-il « vivre avec son temps », ou peut-on considérer que les évolutions ne sont pas forcément toutes positives ?
Essai qui n’en est pas, ce livre est plutôt une réflexion poétique sur le passage du temps…