Chronique de Chiens de guerre, d’Adrian Tchaikovsky.
« Alors écoute bien, je vais te faire un cadeau. Parce que tu es un bon chien. Je n’ai aucune idée de ce qui a coupé les communications, mais j’en sais assez pour reproduire la panne. Je vais te donner mes derniers ordres avant de te libérer. Je supprime ta hiérarchie. Il n’y a plus que toi, Rex, toi et ton équipe.
Tu es libre mon grand. Reste loin de tout ce qui arbore le logo de Redmark. Essaie de vivre un peu, avant la fin. »
Adrian Tchaikovsky, Chiens de guerre, Éditions Denoël, 2019, p. 70.
Motivations initiales
Depuis quelques mois, nous sommes très attentifs aux chroniques de Gérard Collard, de la librairie La griffe noire. Et mon binôme de blog a trouvé que l’idée des « box » thématiques qu’ils proposent faisait un très chouette cadeau de Noël. Et, dans le box, il y avait ce livre !
Synopsis
Rex, Miel, Abeilles et Dragon sont des animaux génétiquement modifiés (un chien, une ourse, une ruche et un lézard), créés pour combattre. Ces quatre biomorphes, sous les ordres du Maître – Jonas Murray -, constituent une escouade d’assaut redoutable, qui opère sur le terrain au Mexique. Leur système de rétro-action permet au Maître de les contrôler : l’unique préoccupation de Rex est que ce dernier lui dise régulièrement qu’il est un bon chien.
Mais Rex est-il un bon chien parce qu’il obéit à Murray ? Est-ce réellement aussi simple que cela ? Et que se passerait-il si, pour une raison ou une autre, le contrôle que le Maître exerce ne fonctionnait plus ?
Avis
> L’avis de T
Voilà un livre bien plus complexe qu’il n’y parait initialement. D’abord parce que l’histoire elle-même est à géométrie variable. Les cinq parties s’articulent naturellement entre elles, mais elles sont en partie indépendantes, et constituent en tout cas une facette spécifique du récit d’ensemble.
Chaque partie décrit une « époque » : dans la première, on découvre Rex et ses camarades biomorphes, dirigés par le Maître. Ils sont sous son contrôle, et, si les premières brèches apparaissent, ils sont d’abord et avant tout des armes entre ses mains.
Dans la deuxième partie, les communications sont coupées. Les quatre biomorphes, livrés à eux-mêmes, doivent faire leurs propres choix. Miel se révèle être la plus intelligente du groupe, et, si Rex a pris naturellement la tête du groupe, elle oriente clairement ses décisions. Désormais, ils sont confrontés à la question du choix :comment prend-on une décision, et, surtout, comment assume-t-on les conséquences de celle-ci ?
Dans la troisième partie, un moment essentiel pour les biomorphes se joue à l’occasion d’un procès mené sous l’influence de l’ONU. S’il s’agit de sanctionner les coupables des exactions commises en exploitant les biomorphes, l’un des enjeux est aussi de savoir si les hommes vont accepter de reconnaître les biomorphes. Sont-ils de simples outils, que l’on peut détruire lorsque l’on a fini de s’en servir ? Ont-ils une intelligence, une « âme » – on se rappelle que certains ont mené ce débat concernant les esclaves noirs ou d’autres « sauvages », dans l’histoire de l’humanité… – ?
Dans la quatrième partie, on retrouve Rex dans « la Fourrière », une réserve de biomorphes, comme les américains en ont créés pour parquer les Indiens. Tenus à part, on vient les observer ; les plus riches les emploient, de-ci de-là, pour des tâches ingrates ou, simplement, pour étaler leur pouvoir. Les hommes ont peur, mais ils tolèrent les biomorphes, tant qu’ils sont dans les « marges »… Mais certains n’ont pas renoncé à les ramener à leur usage initial, celui d’armes de combat…
Dans la dernière partie, quelques années plus tard, leur position, si elle est encore loin de s’être normalisée, a encore évolué. De nouvelles applications ont été trouvées aux compétences des biomorphes. Mais, naturellement, le développement de ces nouvelles utilisations, qui s’accompagne d’un véritable marché, excite des convoitises, et des officines secrètes n’hésitent pas à se positionner sur le marché…
On le voit, ce livre est un emboitement d’histoires, qui sont également autant de réflexions sur ce qu’est un être humain, une machine, sur ce vers quoi le transhumanisme pourrait nous emmener…
La réflexion est vraiment intéressante. Maintenant, j’avoue y avoir un petit peu moins accroché que dans un autre livre auquel celui-ci me fait obligatoirement penser, Le dernier de son espèce, d’Andreas Eschbach. J’ai trouvé un peu répétitif le motif de « je suis un bon chien », sur lequel Rex tourne un peu en boucle. Alors, certes, cela illustre bien une partie de la problématique, mais si on s’était contenté de le matraquer dans les deux premières parties, il me semble que l’on aurait aussi bien compris…
Ou bien, est-ce que cela me rappelle notre chien de guerre à nous ?