Chronique de Présumée disparue, de Susie Steiner.
« Deux ans à fouiller dans les poubelles de l’Internet, depuis les incontinents sexuels jusqu’aux intellectuellement dégénérés. Avant cela, elle a passé cinq années misérables à essayer vainement de faire une rencontre « naturelle », si naturel veut dire se pointer à chaque foutu événement social avec des tartines de maquillage et une tête de désespérée, passer des soirées décevantes au pub, pour finir par rentrer clopin-clopant sur des talons inconfortables. »
Susie Steiner, Présumée disparue, Le Livre de Poche, 2020, p. 174.
Motivations initiales
Deuxième lecture dans le cadre du Prix des lecteurs 2020 / Polar du Livre de Poche, après Dans son silence. Que nous réserve ce roman, premier de l’auteure, qui vient de sortir, en Angleterre, le troisième opus des aventures de Manon Bradshaw…
Synopsis
Manon Bradshaw est sergent-détective à la brigade criminelle de la Metropolitan Police de Londres. Elle adore son métier, et heureusement, parce que sa vie sentimentale est un véritable désastre : approchant de la quarantaine, après avoir vainement espéré rencontrer l’homme de sa vie, cela fait deux ans qu’elle fait des rencontres sur le web… mais ces aventures d’un soir, sans désir et sans plaisir, lui laisse un goût amer.
Les autres soirs, elle s’endort, bercée par la radio de la police. Et là voilà appelée sur le lieu d’une disparition considérée comme inquiétante : celle d’Edith Hind, doctorante à Cambridge, jeune, jolie, riche, fille du médecin du roi… ce qui fait que les enjeux sont évidemment importants !
Et, chacun le sait, dans les cas de disparition, les premières heures sont cruciales : au-delà de 72 heures, la probabilité de retrouver la disparue vivante diminue fortement…
Avis
> L’avis de T
Voilà bien un livre qui laisse rarement indifférent. Les chroniques sur Babelio sont explicites : soit on aime, soit on déteste. Ceux qui détestent trouvent qu’il n’y a pas d’histoire, qu’il y a trop de digressions, que l’on a du mal à entrer dans l’histoire et que l’on en ressort – jamais assez tôt – sans avoir accroché. Ceux qui aiment, eux, apprécient cette Manon Bradshaw et sa science de la déconfiture.
En fait, je crois que cela tient beaucoup à une sorte d’incompréhension. Si vous attendez une affaire policière classique, comme on a l’habitude d’en lire, avec un meurtre ou une disparition, un flic qui enquête – si vous êtes dans un polar nordique, il sera dépressif ; si vous êtes dans un polar suisse, il sera… suisse ; si vous êtes dans un polar de Philip Kerr, il sera compromis avec les nazis -, une progression de l’intrigue qui va vers la résolution de l’affaire, et, évidemment, un ou deux twists qui vous retournent la tête à 30 pages de la fin, il est possible que vous ne vous y retrouviez pas.
Parce que, en réalité, que raconte ce livre ? Il raconte, assez scrupuleusement me semble-t-il, ce qu’est une enquête policière. Oh, évidemment, pas toutes les enquêtes. Certaines sont bouclées rapidement. Mais quand une enquête commence à s’enliser… quand les 72h fatidiques sont atteintes… quand la dimension budgétaire commence à peser sur les investigations… quand la pression politique et médiatique s’accroit… Il rappelle aussi que, dans une enquête, le danger est de perdre le rythme : car, ici, ce n’est pas le livre qui manque de rythme, c’est les pistes successives qui se referment qui provoquent une sorte d’enlisement.
Alors, évidemment, ce n’est pas du grand spectacle. Pas un page-turner avec rebondissement toutes les 30 pages. C’est plutôt, raclé sur l’os, la description fouillée de ce que peut être la vie des hommes et des femmes qui pataugent au quotidien dans ce que nos sociétés offrent de pire. C’est aussi le portrait d’une famille qui semble parfaitement lisse, mais dans laquelle les non-dits, les secrets, les mystères vont faire des ravages. Plus largement, ce livre nous propose également la peinture de la lente désagrégation d’une société en silos, gangrénée par les difficultés sociales, la violence ordinaire, l’individualisme, le repli sur soi…
Et puis, surtout, c’est une galerie de personnages. Manon, bien sûr, qui a intégré tous les clichés de l’époque. J’ai vu une chronique qui parle d’une Bridget Jones dans la police, et il y a quelque chose de cela : Manon croit que les autres sont heureux, que la famille est le cadre du bonheur, qu’elle n’est pas assez bien pour mériter d’y accéder. Et, s’étant auto-convaincue de cela, elle en devient peu « aimable ». Excellent exemple de prophétie auto-réalisatrice, chère à Robert King Merton et William Isaac Thomas !
Miriam, elle, est agaçante au début, agaçante au milieu (pas forcément exactement pour les mêmes raisons), surprenante à la fin. Fly, Davy, Harriet, Helena : chacun possède une part d’humanité, avec tous ses défauts, qui le rend attachant.
Alors ? Alors, moi, j’ai apprécié cette lecture. Et comme deux autres aventures de Manon ont déjà été publiées, c’est avec plaisir que je l’accompagnerai dans de nouvelles aventures…
Je ne connais pas. Je n’aime pas quand il y a trop de digressions mais ce que tu dis de Manon m’intrigue alors je découvrirai ses premières aventures.
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