Policiers, Roman noir, Thrillers

De bonnes raisons de mourir

Chronique de De bonnes raisons de mourir, de Morgan Audic.

« Peut-être avait-elle finalement compris qu’elle ne pouvait pas le réparer. Les femmes aiment croire qu’elles peuvent changer les hommes. Les rendre meilleurs. Lui était un bel exemple de mâle fracturé. La mort de son père, de sa mère, le traumatisme de l’expulsion de Tchernobyl, la guerre en Tchétchénie, il en avait tant et tant, de plaies à panser. Elle avait cru que créer un foyer stable suffirait à apaiser son mal-être. Mais lui avait besoin de se frotter au mal pour avancer. »

Morgan Audic, De bonnes raisons de mourir, Le Livre de Poche, 2020, p. 57.

Motivations initiales

Dernière lecture pour le Prix des lecteurs du Livre de Poche, sélection polar, et occasion, une fois encore, de découvrir un auteur. Un auteur français, cette fois, qui, dans ce deuxième roman, nous emmène dans la zone autour de Techernobyl…

Synopsis

Dans la zone d’exclusion de Tchernobyl, bien qu’elle soit encore très fortement contaminée, les activités humaines reprennent, comme un concentré de tous les excès de notre société. Le tourisme post-apocalyptique se développe, alors que perdurent toutes sortes de trafics. Certains des anciens habitants préfèrent retourner dans leur maison, au risque de la radioactivité.

Et c’est justement un groupe de touriste qui découvre, suspendu à la façade d’un bâtiment, un cadavre. Yeux et bouche cousus… entre autres mutilations. Et, à côté, une hirondelle empaillée. Que signifie exactement cette mise en scène ?

Deux hommes sont chargés de le découvrir. Joseph Melnyk, policier ukrainien chargé du secteur, d’une part, et Alexandre Rybalko, policier russe chargé par le père de la victime et, accessoirement, ancien ministre, d’autre part.

Parviendront-ils à dénouer les fils de cette intrigue, qui semble bien remonter à la nuit durant laquelle le réacteur nucléaire a explosé, et durant laquelle un double meurtre a été commis…

Avis

Par quoi commencer ? L’intrigue, les personnages, le décor ? Peu importe, en fait, car, disons-le d’emblée : par quoi que l’on commence, tout est bon, dans ce livre !

L’Ukraine, en guerre contre la Russie au Donbass depuis 2014, après avoir fait partie de la grande URSS… Tristement célèbre depuis 1986, la zone de Tchernobyl, lourdement contaminée par l’explosion du réacteur n°4 de la centrale nucléaire, alors que la région était prospère, et s’apprêtait à inaugurer diverses installations de loisirs.

On découvre – en tout cas, pour ma part, j’ignorais que cela se passait ainsi – que tous les trafics ont trouvé à s’épanouir ici. Les arbres, les métaux, contaminés et radioactifs, sont récupérés, sans contrôles, et alimentent tous les marchés européens et mondiaux. L’auteur évoque des trottinettes radioactives parce que construites avec des pièces fabriquées avec du métal récupéré dans la zone irradiée, par des malheureux payés au poids, au risque de leur propre vie… Zone interdite ou zone de non-droit, c’est selon… Et, naturellement, on voit, dans ces lieux, de nombreux malades, anciens ayant survécu à l’explosion mais développant diverses formes de cancers, enfants nés depuis avec de graves malformations…

C’est dans ce décor sombre que nos deux personnages principaux évoluent. Joseph Melnyk, policier ukrainien, se réfugie dans son travail de policier pour évacuer la frustration que sa femme, malgré son amour semble-t-il sincère, lui impose. Inquiète qu’il travaille dans la zone contaminée, elle exige, lorsqu’il rentre chez eux, douche et désinfection complète.Et, surtout, elle est très inquiète car leur plus jeune fils s’est engagé, et combat au Donbass, mais sans bénéficier de l’équipement minimum (un gilet pare-balles, par exemple)… mais cela coûte tellement cher !

Melnyk travaille avec une jeune femme, fraîchement émoulue de l’académie et qui a atterri à Tchernobyl. Elle ne rêve que d’une chose : obtenir d’être nommée ailleurs, pour ne pas risquer d’être irradiée.

Alexandre Rybalko, pour sa part, natif de la région mais devenu policier en Russie, se débat lui aussi dans sa propre histoire compliquée. Fou amoureux, il est conscient de ne pas avoir su être le mari et le père que son ex-femme et sa fille mériteraient. Alors elle l’a quitté, et il ne s’en remet toujours pas… alors même que son médecin lui annonce qu’il n’a plus que quelques mois à vivre. Cela influe sur sa décision lorsque Vektor Sokolov, ex-ministre et riche homme d’affaire, lui demande d’enquêter sur la disparition et la mort de son fils, Léonid. La prime promise permettrait à Rybalko de payer à sa fille une opération – celle-ci souffre de surdité -.

Rapidement, il rencontre Ninel, jeune femme ornithologue, qui a créé une association de protection de la nature… un combat loin d’être gagné, autour de Tchernobyl ! Elle est brusque, presque brutale, mais Rybalko est néanmoins sensible à son charme…

Chacun de son côté mène l’enquête. Et, naturellement, chacun recueille des bribes d’histoire. Et pour cause : tout est fait pour que rien ne soit simple…

On s’attache à ces personnages, tous brisés par un système qui les dépasse – et, pour les plus anciens, après avoir été brisés par le système soviétique, ils sont broyés par ce que leurs pays respectifs sont devenus après l’effondrement du bloc de l’Est… Ils se débattent comme des papillons de nuit pris au piège dans la lumière d’un lampadaire…

On apprend beaucoup de choses, pour la plupart glaçantes ; et on se retrouve embringués dans cette intrigue qui nous fait découvrir que, partout, les hommes fonctionnent de la même manière : il y a ceux qui plient pour avoir la paix et la tranquillité, et ceux, beaucoup plus rares, qui résistent, quitte à en payer le prix…

Une vraie réussite, un policier de haut vol – sans jeu de mot ! – pour tous ceux qui ont, tout de même, le cœur bien accroché – juste une précision, il y a des passages assez… brutaux… mais l’auteur ne se complait pas la description sanguinolente juste pour le plaisir ou le frisson ! Monsieur Audic, je vais sans tarder me mettre en quête de votre précédent roman, Trop de morts au pays des merveilles

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7 réflexions au sujet de “De bonnes raisons de mourir”

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