Aventures, Bandes dessinées, Policiers

New York Cannibals

Chronique de New York Cannibals, de Jerome Charyn (récit) et François Boucq (adaptation).

« – Pas besoin de vous faire un dessin, sergent, vous avez compris qu’on m’a mis dans l’obligation de relâcher Quinto et sa ribambelle de nymphettes.

– Après des mois à enquêter sur cet enfoiré, voilà comment on se le fait souffler. Il vous a donné les raisons, au moins ??

– Non, mais sans le savoir, on aurait marché sur les plates-bandes d’une opération en cours… Laquelle ? Il ne m’en a pas dit plus. Alors notre histoire de trafic de came, on peut joyeusement s’asseoir dessus ! »

Jerome Charyn et François Boucq, New York Cannibals, Les Éditions du Lombard, 2020, p. 49.

Motivations initiales

La collection Signé, des Éditions du Lombard, c’est juste une tuerie. Alors quand ils nous font le plaisir de nous envoyer une nouveauté, c’est simplement du bonheur ! D’autant qu’ici, il s’agit de la quatrième collaboration, en bandes-dessinées, de Jerome Charyn, romancier américain, qui a grandi dans le Bronx et écrit beaucoup sur New York. Prolifique, il écrit aussi bien des romans policiers que des romans historiques, des essais et des ouvrages sur la culture américaine. Il a également habité et travaillé en France.

Synopsis

New York, 1990. Azami Tanaka, que certains avaient peut-être découvert dans Little Tulip – une histoire qui se déroule 20 ans plus tôt, et dont la lecture n’est pas nécessaire pour comprendre cette nouvelle aventure – est devenue policier. Adoptée par Pavel, qui a survécu au goulag soviétique de la région de la Kolyma, elle est devenue policier. Sa musculature est en partie liée aux stéroïdes dont elle a abusé… ce qui lui vaut de ne pas pouvoir avoir d’enfants. Alors lorsqu’à l’occasion d’une course-poursuite, elle tombe, entre deux poubelles, sur un bébé abandonné, elle décide de s’en occuper, quitte à enfreindre quelques règles.

Mais, sans le savoir, c’est dans un engrenage dangereux qu’elle met ainsi le doigt. Qui est cet enfant ? Est-ce Nadya, l’ancien amour de Pavel, qui réapparait subitement, alors qu’il l’a vue morte, en Sibérie ? Et pourquoi Anna-la-Hyène, encore une survivante de la Kolyma, resurgit-elle également ? Que fait Quinto, un trafiquant de drogue et de femmes, dans cette histoire ?

Avis 1

Un cadeau inattendu du Lombard qui met du baume au cœur ! Je pense que sans cet envoi je n’aurais jamais acheter cette BD et quelle erreur ! C’est absolument addictif, lorsqu’on commence l’histoire, on ne veut surtout pas être interrompu, impossible de lâcher cet album. Pour ma part, toute ma lecture a été explosive que ce soit au niveau du scénario qui nous emmène dans les bas-fonds de New-York où règnent la violence, la drogue et les trafics en tout genre, ou au niveau des couleurs des planches… C’est explosif ! Les dessins sont très travaillés et super précis, du très grand art !

J’ai absolument tout aimé mais probablement ce qui m’a plus plu c’est que tout les personnages ont un point commun, ils sont tous brisés, c’est le point central de cet album et ça retourne les tripes de voir jusqu’où peut aller la déshumanisation. 

J’ai vraiment eu l’impression de voyager, de sentir le froid cinglant de la Russie, la dureté de la vie au goulag, les odeurs abominables et le tumulte incessant de New-York sans bouger de mon fauteuil de lecture ! Et ça, pour moi ça veut tout dire, ça veut dire que la BD fait son job puisqu’elle nous fait nous évader, rompre avec notre quotidien juste en tournant des pages ! 

Alors ça vous parle de venir tâter du cannibale ? Pour moi, c’est un coup de cœur et je vous recommande absolument cet album ! 

Avis 2

Quelle incroyable histoire ! On suit les destins croisés de personnages hors du commun, qui partagent essentiellement le fait d’être tous brisés. Pavel, Nadya, Anna-la Hyène sont des survivants : chacun à leur manière, ils ont dû sacrifier une partie d’eux-mêmes pour échapper au goulag. Azami, elle aussi, paye le prix de ses choix, notamment dans sa féminité. Et tous ces personnages se retrouvent et se côtoient dans la ville cosmopolite par excellence : New York, où tout est possible, le pire, comme le meilleur.

Les riches et les puissants s’y sentent autorisés à toutes les pires manipulations ; les pauvres, sans-abris, cul-de-jatte, survivent comme ils peuvent. Mais c’est également chez eux que l’on peut encore trouver ces étincelles d’humanité et de bonté qui permettent de garder un soupçon d’espoir. Ainsi, ce qui peut être imaginé de plus sale et de plus noir côtoie le beau, l’honnête, le généreux. Oui, cela fait aussi du bien, parfois, de lire que, même sur le pire des terreaux, il peut encore pousser des plantes qui embaument…

Je ne connaissais pas Jerome Charyn. Mais cette bande-dessinée me donne furieusement envie d’aller découvrir l’œuvre de cet homme incroyable, dont je ne serais pas surpris d’apprendre qu’il connait – et peut-être apprécie – un autre auteur américain à mon sens injustement oublié ou presque, George Chesbro. Il me semble bien n’avoir évoqué, sur ce blog, que Bone, de cet auteur, mais il a également écrit une série mettant en scène un personnage incroyable, Mongo le magnifique, nain, ex-vedette de cirque, ceinture noire de karaté, docteur en criminologie et détective privé. J’ai en effet eu l’impression, par moment, de parcourir un New York dans lequel Mongo le magnifique ne déparerait pas. Et le fait, dans une Amérique qui, depuis quelques années, nous parait moins triomphante qu’elle ne l’a été un temps, de s’intéresser aux sans-abris, aux déclassés, aux oubliés, aux hors-norme, voilà un engagement intéressant.

Et là où, chez George Chesbro, l’URSS était présente par un membre du KGB, elle est ici « incarnée » – presque littéralement – par le passé de Pavel. Dans les deux cas, également, on retrouve des éléments appartenant au champ du fantastique. Des proximités qui ne me semblent pas pouvoir être uniquement le fait d’un hasard.

Si vous connaissez et aimez George Chesbro, je mettrais ma main au feu que New York Cannibals vous plaira. Et si vous appréciez cette bande-dessinée, sans jamais avoir entendu parler de Chesbro… eh bien n’hésitez pas : vous avez une très belle série à découvrir (de mémoire, le premier à lire est Une affaire de sorcier, à retrouver chez Rivages/Noir). Dans tous les cas, n’hésitez pas à nous dire ici ce que vous pensez de l’un et de l’autre : il y aurait presque matière à créer un club des amateurs du New York underground de ces auteurs…

2 réflexions au sujet de “New York Cannibals”

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