Chronique de On était des loups, de Sandrine Collette.
« La peau du monde, ça sera mon trophée, je la brandirai comme on brandit un crâne, je l’assécherai comme on sèche un coeur ce sera un lambeau une squame une toile et sur cette toile je réécrirai quelque chose avec le sang de mes veines avec le sang de ma haine, la peau du monde sera mon vêtement. »
Sandrine Collette, On était des loups, JC Lattés, 2022, p.107.
Motivations initiales
Il y avait deux livres que j’attendais avec une impatience folle pour cette rentrée littéraire 2022, le nouveau roman historique de Camille Pascal et le roman noir de Sandrine Collette. Est-ce qu’encore une fois, la magie va opérer ?
Synopsis
Au départ, il n’y avait que Liam et Ava. Ils vivaient au milieu de nulle part, entourés par la nature, sans voisins et sans contraintes, avec le chant des loups et les trophées de chasse de Liam. Et puis… Et puis, Ava a voulu un enfant, fonder une famille. Liam, lui, ne voit pas l’utilité du gosse, c’est vrai, un gosse c’est sans intérêt et c’est une bouche de plus à nourrir. Leur relation ne tient qu’à un fil, celui des retours d’expédition du père. Le gosse, Aru, court à en perdre son souffle vers son père, c’est leur rituel, leur moment rien qu’à eux.
Mais la mort d’Ava va chambouler leur quotidien, leur relation et peut-être même que le gosse, il devrait ne jamais avoir existé…
Avis
Ouvrir ce livre, c’est une fois encore accepter de perdre ses repères, de ne plus entendre le bruit des voitures, de ne plus humer cette sale odeur de bitume chauffé par le soleil ou celle du fourmillement de la ville, c’est se retrouver au cœur de nulle part, entouré(e)s par la forêt, les montagnes, sentir l’air pur entrer dans ses poumons et entendre le bruit des quatre fers des chevaux qui claquent sur les chemins caillouteux. On le sait, on l’a compris, Sandrine Collette aime prendre son lecteur par la main afin de le déraciner de son quotidien et n’hésite pas à lui enlever chacun de ses repères sans scrupules !
Mais elle ne s’arrête pas là… Ici, elle demande un effort supplémentaire à son lecteur, celui de se mettre à nu, celui de – probablement – laisser apparaitre les stigmates de certaines anciennes blessures comme un questionnement sur les liens qui l’unit à son enfant ou comme celui gravitant autour de la parentalité et de la relation qui n’est parfois pas innée entre un enfant et ses parents.
On était des loups rappelle au lectorat de Sandrine Collette que l’homme est égoïste, qu’il reste un prédateur, un danger pour son semblable. Mais ce titre si unique et particulier a également un double sens, il met en opposition la solitude et l’égoïsme contre l’importance de la meute et de se protéger l’un et l’autre.
Comme à chaque lecture d’un ouvrage de Sandrine Collette, on en ressort avec des bleus à l’âme et un besoin intense de digérer une lecture dont on ressort sonné… C’est rude, ça frappe, les mots sont tranchants et il y a toujours ce style inimitable qui m’impressionne.
De grands espaces en rencontre glauque, de lac salé à perte de vue en pentes rocheuses, cette histoire nous mène sur le chemin de l’acceptation de l’autre, de la filiation et de la transmission mais également de la culpabilité de celui qui reste en vie et qui n’a pas pu sauver l’autre… Ce livre se vit comme un trek, comme une excursion, lorsqu’on repousse ses propres limites, lorsqu’on va chercher au fond de nos tripes la rage de se relever et d’avancer inlassablement ; il ne se raconte pas, il ne se résume pas, il se vit de façon intense…
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.
