Chronique que Des meurtres pour lâcher prise, de Karsten Dusse.
« Je mis mon portable dans la boîte à gants et descendis de voiture. J’allais courir de façon très rétrograde. Sans porter de montre. Sans pulsomètre. Ni bracelet mesurant et enregistrant mes fonctions vitales. Je ne manquais pas pour autant d’informations. Bien au contraire. Quand je courais, la dernière chose dont j’avais besoin, c’était d’un apport de données supplémentaire. Je portais ma tête. Qui contenait déjà un nombre d’informations plus que suffisant. »
Karsten Dusse, Des meurtres pour lâcher prise, le cherche midi, 2023, p. 359.
Motivations initiales
Après la lecture du premier tome de la série « Les meurtres zen », Des meurtres qui font du bien, je me suis posé la question de savoir comment l’auteur pouvait, sans refaire le même livre, poursuivre une telle série. Il faut dire que, déjà avant de lire ce premier opus, je me posais la question de comment il pouvait utiliser les outils du développement personnel pour construire une histoire de ce type… Bref, c’est avec beaucoup de questions que j’abordais cette lecture…
Synopsis
Ayant appris à découvrir la méditation de pleine conscience, notre héros, Björn Diemel, semble avoir réglé un certain nombre de ses difficultés. Certes, sa vision de la pleine conscience a consisté à faire passer de vie à trépas un certain nombre de ses congénères… Mais, visiblement, cela n’est pas encore suffisant, puisque, à l’occasion d’un séjour à la montagne avec sa femme, dont il vit encore séparé, et sa fille, il se laisse aller à faire une crasse à un serveur qui l’a poussé à bout… qui se termine tragiquement.
Comment a-t-il pu se laisser ainsi submerger par sa colère ? Sa femme, qui n’en est pas à une remarque brutale près, le somme de retourner voir son coach, Joschka Breitner, pour « régler ses problèmes ». Occasion, pour Björn, de découvrir son « enfant intérieur ». Où celui-ci va-t-il l’emmener, cette fois-ci ?
Avis
Je me demandais vraiment si l’auteur allait pouvoir tenir la longueur sur un deuxième livre, une deuxième aventure de Björn Diemel. Le filon de la nouveauté n’allait-il pas s’avérer un peu court ?
Eh bien non… Ça continue à fonctionner. Et l’on est encore une fois en présence d’un aimable divertissement, dont il ne faut pas attendre plus que ce qu’il peut offrir, naturellement, mais qui tient bien la route, tout en nous offrant quelques moments truculents. Je ne veux pas spoiler, donc je ne raconterai pas, mais la scène de « vengeance » est tout simplement… « jouissive ».
Je dois avouer que, n’étant pas très fan des livres de développement personnel qui, souvent, hésitent entre deux extrêmes (vous vendre une méthode qui va essentiellement enrichir son promoteur, ou vous expliquer que « quand on veut, on peut », en oubliant de préciser que, en général, il faut évidemment vouloir, mais quand même, aussi, pouvoir, notamment parce que vouloir en ayant le couteau sous la gorge financièrement n’est pas exactement comparable à vouloir quand on n’engage dans un projet qu’une partie de son argent de poche…), je trouve particulièrement amusant de les voir détournés ainsi de leur message initial. Et comme c’est fait avec un humour décalé qui fonctionne bien, c’est franchement un bon moment.
Et puis s’ajoute dans ce livre un regard ironique sur notre société technophile, comme dans la citation qui figure en tête de cette chronique. Et j’ai trouvé cela également amusant, de voir cet homme qui nous annonce aller faire son jogging de façon « rétrograde », c’est à dire sans tous les gadgets qui semblent être devenus indispensables à tous ceux qui courent. Mais, derrière la blague, je trouve assez pertinent de pointer la façon dont tout l’apparat technologique dont nous nous entourons – encombrons ? – est souvent l’occasion de nous éviter de réfléchir. Courir vide la tête, chacun de nous le sait, même ceux qui ne pratiquent que très occasionnellement. Mais se vider la tête pour la remplir en même temps de courbes, de graphiques, d’un suivi de notre rythme cardiaque, est-ce toujours une façon de mettre à distance, ou, au contraire, une bonne manière de ne pas prendre de recul ?
J’ai, à plusieurs reprises, ri ou souri en lisant ce livre, qui se lit très bien. Ça « fait le job », de façon efficace, on passe un bon moment, on peut même en profiter pour picorer quelques éléments de réflexion. Et qu’est-ce que l’on demande d’autre à un livre ? Ce n’est pas un traité de psychologie, ce n’est pas un livre chargé de nous rendre plus intelligents, mais c’est une lecture agréable, et c’est déjà très, très bien !
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

A reblogué ceci sur Amicalement noiret a ajouté:
Pour lâcher prise et passer un bon moment 👍
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