Drame, Roman, Roman noir

Né d’aucune femme

« Les mots, ils me font sentir autrement, même enfermée dans cette chambre. Ils représentent la seule liberté à laquelle j’ai droit, une liberté qu’on peut pas me retirer, puisque personne, à part Génie, sait qu’ils existent. »

Franck Bouysse, Né d’aucune femme, La manufacture de livres, 2019, p. 233.

Motivations initiales

Dès la sortie de ce livre, j’ai craqué… Ce qui m’a attiré ? Sans nul doute le superbe cliché ornant la première de couverture – cliché de Sara Saudkova -, le résumé poignant de la quatrième de couverture et enfin le titre assez énigmatique puisqu’il est en total opposition avec la photographie ! Sans hésitation, le roman de Franck Bouysse est reparti avec moi bien au chaud dans mon sac !

Synopsis

Dans les Landes. Rose a quatorze ans, elle est l’ainé d’une fratrie de quatre filles. Issue d’une famille paysanne très pauvre, son père est au pied du mur et, pour s’en sortir et mettre sa famille à l’abri du danger, il prend la terrible décision de vendre Rose à un maître de forge.

Arrivée dans sa nouvelle résidence, Rose devient alors la servante ou plutôt l’esclave d’une mère et de son fils qui font preuve d’une rare cruauté et qui se délectent à « déshumaniser » cette enfant – à côté d’eux, les Thénardier sont des enfants de chœur !

Dès lors, le quotidien de Rose oscille entre les remarques cassantes et incessantes de la « reine mère » et les regards appuyés et malsains du maître de forge, Charles… mais aussi l’amour platonique qui la lie à Edmond, le jardinier du manoir.

Vu le caractère tenace de la jeune enfant, Rose aurait pu encaisser le travail que lui donnait les deux bourreaux au manoir, les remarques de la « vieille », les regards quasi-pédophile de Charles mais… Sa curiosité pour cette chambre de la maison fermée à clé où est soit-disant la femme du maître va l’entraîner dans une spirale de violence, de viols et de maltraitance au quotidien qui l’amènera jusqu’à l’asile. Asile où elle sera enfermée pendant quatorze années et où elle rédigera ses carnets…

Avis

>L’avis de C

Né d’aucune femme est un conte. On ne sait pas vraiment où ni même quand se déroule cette histoire, mais on sait que c’est un conte, un conte noir et gore, un conte où l’amour sous différentes formes est au rendez-vous…

Je ne connaissais pas Franck Bouysse, j’avais juste entendu parler de l’auteur grâce à son ouvrage Grossir le ciel mais je constate que l’auteur aime explorer la partie noire de l’homme et la méchanceté qui rôde autour de nous…

Dès les premiers chapitres, je comprends que ce roman est un roman à plusieurs voix – celles de Rose, de son père, du curé, d’Edmond,.. – je me dis que je ne vais pas accrocher car je déteste ça ! Mais c’est tellement prenant grâce à la simplicité de l’écriture lorsque Rose écrit – on sent que la gamine n’a pas connaissance de toutes les règles de grammaire, les codes de l’écriture – que l’on est complétement aspiré dans ce roman.

Le titre et la magnifique photographie qui ornent la première couverture de l’ouvrage sont trompeurs… Car cette histoire est gore, violente, déshumanisante : Rose est violée par le maître de forge pendant qu’elle est attachée aux barreaux de son lit, le maître l’oblige même à regarder son père mourir après l’avoir battu et jeté dans un brasier… Par moment, sincèrement, j’avais le cœur au bord des lèvres.

Plus les pages s’enchaînent, plus cela devient noir mais Rose reste vivante : elle est là, elle ne vacille pas, elle tient debout, grâce à des instants lumineux, des instants fugaces de bonheur : caresser une jument, monter sur son dos, se rappeler le rire de ses sœurs, voir les épaules ou les mains d’Edmond.

Tout au long du roman, on oscille entre la noirceur des deux bourreaux et l’étincelante lumière qui nous apparaît grâce à la bonté de Rose, grâce à sa relation si particulière avec Edmond…

C’est poignant, c’est dérangeant, c’est déshumanisant, c’est horrible mais qu’est-ce-que c’est beau ! C’est une lecture qui marque, qui reste gravée, jamais on ne peut oublier les carnets de Rose ni même pourquoi Rose à « écrier » comme elle nous l’enseigne…

Une lecture coup de poing qu’on ne peut pas lâcher, une lecture que je vous conseille, une lecture qui trouve sa place dans mon panthéon de lectures…

Seule petite interrogation : pourquoi les deux bourreaux ne font pas partie des personnages qui nous racontent l’histoire ? Peut-être parce que Franck Bouysse se refuse à croire que l’homme est totalement mauvais ?

N.B. : Je vous laisse écouter ce podcast sur France culture où l’auteur reste assez pudique face à son roman mais nous explique comment et pourquoi est né ce roman… 

6 réflexions au sujet de “Né d’aucune femme”

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