Chronique de Grossir le ciel, de Franck Bouysse.
« – On te dira qu’il faut prendre la vie comme elle vient… conneries… la vie, c’est elle qui te prend, sans te laisser le choix, et par les couilles, encore. Le temps qui passe fait que la mémoire s’use un peu, mais le problème, c’est qu’elle s’use pas sur les mauvaises choses qu’on a vécues, elle s’attarde plutôt sur les bonnes, plus tendres. C’est pas à toi que je vais l’apprendre. »
Franck Bouysse, Grossir le ciel, Le Livre de Poche, 2018, p. 179.
Motivations initiales
Ayant eu un énorme coup de coeur pour Né d’aucune femme, j’avais très envie de lire d’autres romans de l’auteur… Lors d’une virée d’achats livresques, j’ai jeté mon dévolu sur Grossir le ciel…
Synopsis
Les doges, trou paumé dans les Cévennes. Gus est un paysan – pas un agriculteur car pour lui il y a une nuance entre les deux mots ! – dans un lieu isolé avec pour seul voisin aux alentours le taciturne Abel et un vieux moulin cassé appartenant au vieux Joseph. Gus traine derrière lui un très lourd passé familial, ses parents l’ont détesté du temps de leur vivant. Il est donc très solitaire et un brin bourru. Son meilleur compagnon, c’est son chien Mars, qui arrive à arracher des sourires au fermier et à le rendre – presque – emphatique.
Aux doges, tout est calme, tout est tranquille, rien ne vient perturber l’équilibre du quotidien monotone et répétitif… Oui, mais ça, c’était avant, avant que Gus ne remarque des tâches de sang suspectes le long du corps de ferme d’Abel et que son chien Mars se batte avec un être humain aux petits pieds marchant sans chaussure dans la neige…
Quel secret cache Abel ? Pourquoi Gus pressent-il que son voisin est impliqué dans ces événements étranges qui se déroulent aux doges ?
Avis
> L’avis de C
Après ma lecture de Né d’aucune femme , je pressentais que Franck Bouysse était un magicien, qu’il était capable de nous décrocher un sourire mais également de nous donner envie de vomir à la page suivante…
Ici, on rentre dans une ambiance lourde, moite et glauque dès les premières pages. On ne sait pas réellement ce que l’auteur nous réserve mais on se doute que ça ne va pas être tout rose et très joyeux ! Bref, on est en apnée, on attend, on tend le dos car on sait que quelque chose va se produire… Ça faisait bien longtemps que mon cœur n’avait pas palpité autant, que je n’avais pas eu quelques sueurs froides en lisant un roman où il n’y a pas de sang sur les murs mais où l’ambiance est tellement asphyxiante que ça fait le travail !
Pourquoi et comment Franck Bouysse arrive-t-il à angoisser son lecteur ? Je dirais que c’est probablement à cause de cette vie paysanne lugubre dans laquelle il nous entraîne, où Gus et Abel trouvent uniquement du réconfort et un peu de bonheur dans un verre de gros rouge qui tâche… Tout est réuni pour qu’on imagine le décor – et quel décor -, un trou paumé au milieu de rien, pas de téléphone chez Gus, la télé qui marche en alternance lorsque le temps est clément, les pièces défraichies avec un vieux papier peint à fleur, les meubles en merisier massif hérités d’une époque révolue… Bref on a l’impression d’être revenu dans les années 1900…
Et puis l’histoire est glauque, vraiment glauque, un bon drame familial dans un milieu où comme le dit la chanson de Brel – que j’ai eu en tête tout au long de ma lecture – « Faut vous dire, Monsieur que chez ces gens-là, on n’cause pas, Monsieur, on n’cause pas, on compte… »
J’ai dévoré ce roman et je ne peux que vous le conseiller si vous avez envie de vous faire une belle crise d’angoisse !
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