Chronique de Le ventre de Paris, d’Émile Zola.
« C’était un monde de bonnes choses, de choses fondantes, de choses grasses. D’abord tout en bas contre la glace, il y avait une rangée de pots de rillettes, entremêlés de pots de moutarde. Les jambonneaux désossés venaient au-dessus, avec leur bonne figure ronde, jaune de chapelure, leur manche terminé par un pompon vert. Ensuite arrivaient les grands plats : les langues fourrées de Strasbourg, rouges et vernies, saignantes à côté de la pâleur des saucisses et des pieds de cochon ; les boudins, noirs, roulés comme des couleuvres bonnes filles ; les andouilles, empilées deux à deux, crevant de santé ; les saucissons pareils à des échines de chantre, dans leurs chapes d’argent ; les pâtés, tout chauds, portant les petits drapeaux de leurs étiquettes ; les gros jambons, les grosses pièces de veau et de porc, glacées, et dont la gelée avait des limpidités de sucre candi. »
Émile Zola, Le Ventre de Paris, Folio classique, 2018, p. 82.
Motivations initiales
Chez Ô Grimoire, on a lu et on lit énormément mais… l’un de nous deux se sent peu légitime lorsque l’on parle de grands classiques alors on remédie à la situation en incluant quelques classiques dans nos lectures ! Et puis, de toute façon, ça ne fait jamais de mal !
Synopsis
Paris. 1858. Florent est un jeune homme évadé du bagne où il avait été déporté à la suite d’une erreur judiciaire. Rentré à Paris, il retrouve son demi-frère Quenu, charcutier des Halles qui lui ouvre grand les bras.
Refusant l’héritage d’un de ses oncles et rechignant à travailler pour l’Empire, Florent préfère passer ses soirées chez un marchand de vin à planifier avec quelques comparses un projet fou : renverser l’Empire au profit d’une république basée sur des fondations utopiques.
Objet de désir ou de mépris des grasses marchandes des Halles, le maigre Florent va tenter de s’intégrer à cette nébuleuse gastronomique de Paris, quitte à en payer le prix fort.
Avis
> L’avis de C
Ce roman de Zola est une belle petite brique… Mais il ne m’a pas fait peur !
Ici, on embarque dans un roman de style naturaliste – vous savez, ce style littéraire qui colle au plus proche des détails et a le plus grand souci du réalisme – en direction du quartier des Halles de Paris sous le Second Empire. Cette immersion totale dans les Halles où l’on croise moult légumes, morceaux de viandes, beurres, charcuteries et fruits nous donne une folle impression d’être un des acteurs de ce roman ! C’est tellement bien décrit qu’on se fait happer dans l’univers et qu’on en ressent même les odeurs… Au niveau des détails et de la description, c’est un travail de maître et on comprend mieux pourquoi Zola est le chef de file du naturalisme !
Ce livre nous invite également à repenser notre relation avec l’Autre, notre peur de l’étranger ou encore notre capacité à accepter la différence, en nous plongeant dans les intrigues et les commérages des petites gens qui refusent qu’un étranger trop maigre se mêle à eux, quitte à inventer sur son compte les pires rumeurs.
Ce roman est aussi un traité de sociologie sur les us et coutumes des parisiens de l’époque et leur vie quotidienne.
Légers bémols : Par moment, j’ai trouvé cela un peu redondant, on tourne trop autour de la nourriture, limite on frôle l’indigestion ! Il y a pas moins d’une centaine de pages entièrement consacrées à la nourriture. Enfin, sur l’objet livresque en lui-même, les notes renvoyées à la fin de l’ouvrage c’est TERRIBLEMENT PAS PRATIQUE !!! Ça coupe la lecture et enlève une certaine fluidité à celle-ci…
En résumé, sur le style, c’est accessible à tous. Sur le fond, l’histoire est passionnante, j’ai aimé cette volonté omniprésente de la part du personnage central de renverser Napoléon III. Mais attention, les descriptions de nourriture sont… étouffantes, gare aux maux d’estomac !