Chronique de Mafioso, de Ray Celestin.
« Salzman lui montra son badge.
« Police de New-York, madame.
– Oui ? dit-elle avec un très léger froncement de sourcils.
– Nous avons des raisons de penser qu’un de vos résidents est recherché dans le cadre d’une enquête pour une série de meurtres. Nous pensons également que des hommes pourraient être sur le point de s’en prendre à lui.
– Mon Dieu !
– Non, madame, inspecteur Salzman. » »
Ray Celestin, Mafioso, le cherche midi, 2019, p. 546.
Motivations initiales
Lecture proposée dans le cadre de la Team Thriller du cherche midi, c’était l’occasion de découvrir cet auteur passé, pour notre part, sous les radars : Ray Celestin. Une fois le retard rattrapé, avec la lectures des deux opus précédents, Carnaval et Mascarade, c’était donc au tour de ce Mafioso…
Synopsis
En 1947, alors que les États-Unis sortent de la guerre, le pays – et New-York en particulier – découvrent une première fois la difficulté qu’il y a à revenir d’un conflit, surtout lorsque les mesures d’accompagnement votées par le gouvernement excluent, de fait, certaines minorités, comme les noirs ou les soldats soupçonnés d’être homosexuels. La ville qui va devenir une capitale mondiale, est aux mains de la Mafia, dirigée par Franck Costello, qui a succédé à Lucky Luciano.
Mais le pays est également très préoccupé par la lutte contre le communisme. On y découvre le rôle douteux joué alors par un certain Ronald Reagan… qui a dit qu’il ne faudrait jamais oublier l’histoire ?
C’est dans ce contexte qu’un hôtel minable de Harlem devient la scène de plusieurs crimes sanglants. La police parle de meurtres rituels liés au vaudou, et ont un suspect tout fait : Thomas Talbot. Ce dernier n’est autre que le fils de Michael Talbot, qui travaillait avec Ida Davis à l’agence Pinkerton de Chicago, et désormais en retraite.
Thomas Talbot semble avoir quelques secrets à dissimuler, ce qui n’aide pas son père, aidé d’Ida, à mener une contre-enquête. Parviendront-ils à lui éviter la chaise électrique, ou trente ans de prison ?
En contrepoint, on suit également Gabriel Levison, affilié à la famille Luciano, pour le compte de laquelle il dirige un club en vogue de Manhattan. Celui-ci se retrouve chargé par Franck Costello de retrouver 2 millions de dollars en liquide, alors que refait surface à New-York Faron, un tueur sanguinaire que Gabriel recherche depuis des années. Cela tombe d’autant plus mal que ce dernier s’apprêtait justement, au terme d’un plan longuement mûri, à disparaître avec sa nièce…
Le tout, naturellement, se déroule alors que Louis Armstrong, personnage des deux premiers romans de la série, peine à trouver sa place. Star internationale, il se retrouve confronté à une nouvelle génération, portée par Dizzie Gillespie, Charlie Parker, Miles Davis ou Charlie Parker. On croise également Frank Sinatra ou Stanley Kubrick, qui réalise encore des reportages photo pour le magazine Look…
Avis
> L’avis de T
Pour moi, ce livre, c’est 590 pages de bonheur !
D’abord, parce que l’intrigue est bien ficelée, tout s’enchaîne, les zones d’ombre sont stratégiquement placées… On retrouve la construction chère, visiblement, à Ray Celestin, dans les livres duquel plusieurs personnages se retrouvent en général à « enquêter » en parallèle sur une même affaire, avec des progressions qui font que le lecteur, sans encore tout savoir, en sait souvent un petit peu plus que le personnage qu’il suit – ce qui est très agréable ! -.
Mais ce livre est aussi l’occasion de se plonger dans l’histoire de New-York à la sortie du deuxième conflit mondial, alors que l’Amérique s’engage dans une sorte de croisade contre le communisme, avec le travail de la Commission sur les activités anti-américaines (à ne pas confondre avec le maccarthysme, qui débute un peu plus tard). On y découvre – ou peut-être certains le savaient-ils déjà – que c’est l’occasion pour un acteur de série B, un certain Ronald Reagan, de relancer sa carrière… on sait où cela le mènera.
La peinture de cette ville de New-York inclut naturellement l’emprise de la mafia sur la ville, au travers de la lutte, au sein même de la famille Luciano, entre Franck Costello et Vito Genovese, alors que d’autres familles cherchent à préserver leurs propres acquis, comme les Mangano, alors dirigés par Albert Anastasia…
Et, en plus, on garde également la trame musicale de la série. Louis Armstrong a explosé, mais se trouve désormais à un moment charnière. Les big bands semblent avoir fait leur temps, les nouveaux venus sur la scène du jazz occupent la place. Alors, s’il ne participe pas, ou quasiment, à l’enquête cette fois-ci, c’est avec plaisir que l’on retrouve sous cet angle plus intimiste le jazzman, en proie au doute, alors qu’il est sur le point de retrouver un second souffle…
On retrouve évidemment avec un grand plaisir Ida Davis et Michael Talbot. Ils ont pris de l’âge – Michael est en retraite, Ida est à un tournant de sa vie -. Non, vraiment, que du bonheur, je ne sais pas comment dire mieux !
À la fin de la postface, Ray Celestin nous annonce enfin que la série comptera un quatrième et dernier tome, qui se déroulera à Los Angeles en 1967. Mais qu’il n’a pas commencé à l’écrire… L’attente va être longue !