Chronique de Les mains vides, de Valerio Varesi.
« – Un conseil, reprit sérieusement Gerlanda, ne jouez pas les Don Quichotte. Que vous le vouliez ou non, vous faites partie de la police et la police a toujours été du côté des puissants. Depuis quand la police change le monde ? Dites plutôt qu’elle a empêché que ça change !
Il y avait un mélange de cynisme et d’amertume dans les propos de Roger, mais ce qui blessait surtout le commissaire, c’était d’être obligé d’admettre, une fois encore, un fond de vérité à ses propos. »
Valerio Varesi, Les mains vides, Éditions Points, 2020, p. 137.
Motivations initiales
Deuxième lecture dans le cadre du Prix du meilleur polar des Éditions Points, et changement d’ambiance, on quitte l’Angleterre d’Eva Dolan (Haine pour haine) pour l’Italie de Valerio Varesi, quatrième enquête du commissaire Soneri, à Parme…
Synopsis
Alors que la ville de Parme est écrasée de chaleur, figée dans l’attente d’un orage qui ne vient pas, on retrouve un commerçant du centre-ville, mort chez lui, après avoir été battu. Gondo, le vieux musicien qui, depuis des années, hante les marches du Teotro Regio, se fait dérober son accordéon. Et un groupe de jeunes activistes met, soir après soir, le feu à des poubelles.
Toutes ces petites affaires sont-elles de simples faits isolés, ou, au contraire, faut-il y lire un dessein plus vaste, une trame plus complexe dont on fait les étoffes de luxe qu’apprécient les gens de pouvoir ?
Avis
Est-ce dû au fait que je viens de lire ce livre alors que nous sommes en pleine canicule ? Quoi qu’il en soit, j’ai bien eu l’impression d’être dans Parme écrasée de chaleur, guettant nuages et coups de tonnerre, dans l’attente d’une libération… Et, en effet, le côté poisseux, moite, m’a paru particulièrement bien décrit.
Je n’ai pas eu l’occasion de lire le récit des enquêtes précédentes du commissaire Soneri. Il s’agissait donc d’une découverte. Du coup, je ne sais pas si les autres sont aussi sombres, aussi désabusés, mais en tout cas celui-ci est vraiment marqué du sceau d’une noirceur désespérée. Qui se marque jusque dans la fin du livre, alors que l’enquête est close bien que nous sachions, le commissaire Soneri en premier, le juge également et nous avec, que les véritables coupables non seulement ne sont pas en prison, mais, au contraire, sortent encore renforcés de l’affaire. Et même l’accordéoniste ne retrouvera pas son instrument, sorte de symbole ultime du renoncement. Les bons ne gagnent pas toujours à la fin !
Soneri est un personnage assez curieux. On ne peut pas dire, en tout cas dans cet opus, qu’il soit réellement attachant. Il donne surtout l’impression d’être dévoré de colère contre cette société qui lui échappe, qu’il ne comprend plus. Idéaliste, humaniste, mais aussi un peu passéiste, il se sent totalement débordé par les événements. Son côté le plus sympathique, c’est son goût pour la nourriture et en particulier celle qui est servi au Milord, son repère favori, loin des fantaisies culinaires branchées du Nabucco. Seule Angela semble parvenir à l’apaiser, mais il n’est pas facile à vivre…
En essayant de ne pas spoiler, on découvre aussi, dans ce livre, une sorte d’aristocratie de la délinquance en col blanc, installée, qui se fait dépasser par de nouveaux acteurs, plus durs, plus brutaux, plus déterminés. Ces derniers viennent conquérir des « parts de marché », dans tous les trafics, sans états d’âme, quitte à évincer des héritiers qui manquent de mordant et n’aspirent qu’à se vautrer dans un confort matériel – et parfois artificiel -. Cette peinture de notre société n’est guère réjouissante !
C’est étouffant – et pas uniquement d’un point de vue strictement climatique -, c’est sombre, c’est efficace. Il ne s’agit pas d’un policier pour amateur de thrillers échevelés ou de page turner survitaminés, mais il y a une profondeur dans ce livre qui ravira les amateurs !
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