Chronique de Les yeux d’Ava, de Wendall Utroi.
« Elle se tenait dans l’entrebâillement de la porte, et ne laissait passer que sa tête. L’air gênée, elle m’adressa une grimace de timidité. Lui, plus penaud que surpris, s’avança vers elle, puis se retourna, une peluche dans les mains. Je reconnus aussitôt Pinpin. Je crus défaillir et je m’affaissai de nouveau dans le vieux Chesterfield. Je calai le lapin bleu un peu délavé contre moi, le poil bouloché, mais c’était bien Pinpin. »
Wendall Utroi, Les yeux d’Ava, Le Livre de Poche, 2020, p. 65.
Motivations initiales
Ayant lu et apprécié La loi des hommes, et ayant, à cette occasion, découvert Wendall Utroi, rien de surprenant à ce que ce livre – paru avant – ait rejoint notre PAL… Alors que nous l’avions raté chez Slatkine, nouvelle occasion de le découvrir dans son édition de poche.
Synopsis
La vie a cette incroyable faculté à ne jamais nous laisser nous endormir sur nos lauriers… Et Ava en fait l’amère découverte lorsque sa vie s’effondre comme un château de cartes à l’occasion d’un banal accident de voiture. Son mari, rencontré sur les bancs du lycée, meurt dans l’accident, ainsi que leur fille, Rose. Ava ne parvient à sauver que Thomas, le jumeau de Rose.
Ce serait déjà bien assez pour briser quelqu’un. Mais la déconstruction ne s’arrête pas là… Ava va devoir passer par bien d’autres violences pour avoir le droit, finalement, d’accéder à sa rédemption…
Avis
Je ne m’attendais pas du tout à une telle histoire. Mais ce n’est pas grave, j’aime bien les surprises ! J’aime bien que l’on me sorte de ma zone de confort, de mes habitudes. Et, en même temps, une fois ce livre terminé, je ne trouve pas que cela soit si étonnant que cela, de trouver une telle histoire sous la plume de Wendall Utroi… Paradoxe, mais pas tant que cela, en réalité.
Je vais régler d’abord deux aspects un peu annexes de la question. Chez Slatkine, ils publient souvent des thrillers, et au Livre de Poche, ce livre est positionné dans la collection thriller. Pourtant, autant La loi des hommes était un livre construit autour d’une enquête, autant celui-ci, pour moi, mériterait davantage une étiquette « roman noir » que thriller. Mais bon, disons thriller.
Plus sérieux, peut-être, je ne comprends pas vraiment le titre de ce livre. Les yeux d’Ava ? Autant je comprends bien le titre sous lequel une version antérieure a été publiée – La tête du lapin bleu -, autant cette référence aux yeux… Est-ce une façon de marquer le fait qu’Ava s’aveugle, comme le signale l’auteur dans les remerciements de son livre ? Quoi qu’il en soit, il ne m’a pas paru que la vue soit le sens le plus mis en avant dans le livre.
Aveuglement, peut-être, mais le mot qui me hante depuis que j’ai refermé ce livre, c’est plutôt incommunicabilité. Ava est le prototype de comment le silence, l’incapacité à dire nos maux avec nos mots, peut nous détruire, plus profondément encore qu’un camion dans un virage, qu’une chute dans un fossé, qu’un plongeon dans un lac. Et même quand elle mets des mots, elle dit comme on crache, ou comme on vomit.
Et pourtant, Wendall Utroi, comme il dit l’espérer, nous offre autant d’espoir que de malheur, dans ce livre. Espoir parce que l’humanité existe encore, même si elle ne se trouve pas toujours là où on l’attend. Parfois, elle a pris ses quartiers sous un escalier, au volant d’un camion, dans une casse auto… Mais elle est là, et, rien que cela, c’est déjà rassurant.
C’est finalement par l’écriture qu’Ava trouvera un chemin vers cette rédemption à laquelle elle ne croit pas elle-même. Par l’écriture et par le hasard, parce que ses écrits tomberont entre de bonnes mains. Là aussi, c’est un espoir, même s’il est de l’ordre de la bouteille à la mer.
Je ne peux pas finir cette chronique sans préciser que, au moins de mon côté, l’auteur aura réussi son pari, celui d’ « être parvenu à partager quelques émotions avec vous ». Mon binôme de Ô Grimoire pourrait témoigner de l’état dans lequel j’étais après avoir refermé ce livre, montrant à quel point Wendall Utroi a su les communiquer, ces émotions…
Merci Ava, merci Margot. J’invite toutes celles et tous ceux qui se sont déjà demandé s’ils devaient dire ce qu’ils avaient sur le cœur, ou s’ils devaient se taire, à lire ce livre…
Pour en savoir plus
Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

Magnifique chronique pour un roman qui ne l’est pas moins…
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Merci ! En effet, ce roman est inspirant…
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