« – C’est Théo, finit-elle par dire.
Ça n’avait rien de surprenant.
– Il est jaloux, c’est tout.
– Oh non ! s’écria Émilie. C’est pas ça…
Elle baissait les yeux, mais au fond elle brûlait de dire la vérité à Antoine, qui n’eut pas beaucoup à insister.
– Il dit comme ça que c’est toi qui as vu Rémi en dernier et… »
Pierre Lemaitre, Trois jours et une vie, Le Livre de Poche, 2017, p. 95.
Motivations initiales
Je n’ai plus besoin de vous dire que j’ai une légère addiction à Pierre Lemaitre… Trois jours et une vie était dans notre PAL depuis bien trop longtemps – je le gardais pour les vacances en vérité, il était donc temps de se plonger dedans…
Synopsis
Beauval. 1999.
Antoine a douze ans. Il vit avec sa mère, parfois autoritaire et castratrice. Antoine ne connait pas son père, il ne connait de lui que les colis qui arrivent pour son anniversaire et Noël. Il aime se retrouver dans la nature, dans le bois de Saint-Eustache, pour y construire des cabanes et refaire le monde à sa façon en compagnie du chien des voisins.
Mais le chien des voisins est un fuyard, il finit par se faire percuter par un automobiliste. Et bien qu’il ne soit pas mort sur le coup, son propriétaire décide de l’achever et dépose sa dépouille dans des sacs poubelles à côté de l’abri de jardin. Antoine, qui a assisté à la scène depuis la fenêtre de sa chambre, sent monter en lui une rage et une haine à l’égard du voisin, monsieur Desmedt…
Antoine s’est isolé dans sa cabane, mais Rémi Desmedt, âgé de six ans, vient lui rendre visite comme bien souvent…. Et là, Antoine ne peut se contenir, il explose, sa rage s’empare de lui et il frappe le jeune enfant avec un bout de bois.
Rémi est-il mort ? Pourquoi ne retrouve-t-on pas son corps ? Antoine est-il le coupable ? Les proches d’Antoine l’ont-ils couvert par amour ?
Avis
> L’avis de C
Explosif ! Déstabilisant ! Surprenant ! Encore un beau coup du maître !
Pierre Lemaitre a vraiment plus d’une corde à son arc. Après avoir brillamment réussi sa série sur le commandant Verhoeven dans le style thriller gore et psychologique et ses deux volets historiques, Au revoir là-haut et Aux couleurs de l’incendie, il s’attaque ici au roman noir et le résultat est épatant !
Ce livre est construit en trois grandes parties, chacune marquant un temps fort de l’histoire : en 1999, nous assistons à la disparition du petit Rémi et à la mobilisation des habitants pour retrouver l’enfant – vivant ou mort, mais le retrouver… – ; en 2011, nous retrouvons Antoine qui tente de se construire malgré le terrible secret qu’il cache depuis ses douze ans ; enfin, en 2015, lorsque le cadavre de Rémi Desmedt est retrouvé, amenant au dénouement de l’histoire. C’est extrêmement bien fait, on ne sent pas la fin venir… une fois de plus, ai-je envie de dire !
La plume de Pierre Lemaitre et ses mots font passer le lecteur par tous les états : on est révolté par la violence qui peut sommeiller dans un enfant, on est également plein d’espoir, on a envie d’aider Antoine à sortir de son silence et de son mutisme face à la disparition de Rémi et enfin, on prend une belle claque, une belle leçon d’amour par les proches d’Antoine qui ont voulu protéger celui qu’ils aiment…
Je n’ai pas pu décrocher de ce roman – il m’a valu une nuit quasiment blanche et de belles cernes – c’est tellement intense et puissant qu’on ne referme le livre qu’une fois tournée la dernière page. J’avais l’impression d’être comme un caméléon pendant ma lecture : si l’animal change de couleur bien souvent, moi je suis passée par de nombreuses sensations et émotions, comme à chaque fois avec Pierre Lemaitre, c’est un grand moment typique des montagnes russes !
Encore une fois, on ne peut que saluer le talent de Pierre Lemaitre ! Si vous n’avez encore rien lu de l’auteur, il est grand temps d’oser rentrer dans son monde et croyez-moi, vous ne serez pas déçus !