Aventures, Bandes dessinées, Historiques

Karolus Magnus – T. 1 L’otage vascon

Chronique de Karolus Magnus – T. 1 L’otage vascon, de Jean-Claude Bartoll et Eon.

« Après avoir combattu les païens saxons, Karolus veut porter le fer chez les sarrasins ! Il s’apprête à annoncer la nouvelle aux barons de son royaume lors de l’assemblée des hommes libres. L’armée franque devrait se mettre en marche au printemps prochain en direction des Pyrénées… »

Jean-Claude Bartoll et Eon, Karolus Magnus – T. 1 L’otage vascon, Éditions Soleil, 2021, p. 20.

Motivations initiales

Charlemagne, et La Chanson de Roland, font partie sinon du paysage quotidien, en tout cas du contexte chez Ô Grimoire. Une bande dessinée intitulée Karolus Magnus, forcément, ne pouvait pas passer inaperçue…

Synopsis

Alors que les armées de Charlemagne viennent de mater les saxons, s’assurant pour quelques années la paix de ce côté, se présente à Paderborn le wali de Saragosse. Il vient, au nom du calife abbasside de Bagdad, solliciter l’aide du seigneur franc dans sa lutte contre Abdelrahman, omeyyade qui s’est auto-proclamé émir de Cordoue, s’engageant à lui ouvrir les villes qu’il contrôle, dont Saragosse. Mais chacun semble jouer sa propre partition : Charlemagne y voit l’occasion d’agrandir son royaume et d’assurer à ses armées de « beaux pillages ». Le wali, pour sa part, est déchiré par l’hésitation, se demandant s’il ne risque pas de subir la loi du plus proche – Cordoue – en restant fidèle aux abbassides. Marwan Ibn Al-Wisigotha, émissaire du souverain abbasside auprès du wali de Saragosse, espère que Barcelone, sa ville natale, sera prise au passage. Roland, lui, se verrait bien confier la marche ibérique une fois conquise… Mais les vascons, derrière leur duc, résistent bien qu’ils aient été soumis par Charlemagne.

Ces fils entremêlés, entre haute politique, lutte armée, ont tout pour former une véritable épopée…

Avis

Pour qui s’est un tant soit peu intéressé à La Chanson de Roland, il est acquis que cette chanson de geste a essentiellement eu pour objectif, au XIe siècle, d’attiser la ferveur des seigneurs européens que l’on voulait inciter à s’engager dans les Croisades. Rappeler alors l’histoire de Roland et de l’arrière-garde de l’armée de Charlemagne attaquée par les méchants Sarrasins au col de Roncevaux, 300 ans plus tôt, était de nature à répandre la sainte indignation que l’on voulait voir dirigée contre les Infidèles.

C’est cette histoire bien plus complexe – ce sont en réalité probablement des Basques (nos fameux vascons) qui ont attaqué l’arrière-garde à Roncevaux – dont s’emparent Jean-claude Bartoll, au scénario, et Eon, au dessin.

Et, en effet, la trame qu’ils élaborent est particulièrement complexe, puisqu’ils nous décrivent une situation encore bien plus complexe, dans laquelle les omeyyades s’opposent aux abbassides, les vascons aux francs, les wisigoths n’ayant probablement pas renoncé à être les arbitres du conflit. S’ajoute à cela une opposition dynastique au sein même de la famille de Charlemagne, Fastrade, quatrième épouse du futur empereur, ayant visiblement en tête de pousser ses enfants, déjà nés et à venir, vers le trône, même s’il y a déjà cinq fils nés des précédents mariages, y compris en employant des moyens radicaux… La reine semble décidée pour soutenir ses prétentions sur une saxonne, Brunhilde, missi dominici de Charlemagne. Mais cette dernière semble bien avoir ses propres ambitions.

Et c’est là où les choses se compliquent. Car si ce scénario semble en effet prometteur, il tord très considérablement la vérité historique. Brunhilde, une saxonne missi dominici ? « Pour maintenir son immense empire, Charlemagne créa un corps de fonctionnaires (missi dominici), dont il élimina les femmes », nous dit Andrée Michel [MICHEL Andrée, « La situation des femmes de la chute de l’Empire romain à la fin de la Renaissance », dans : Andrée Michel éd., Le féminisme. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2007, p. 27-42]. Fastrade, reine après avoir épousé Charlemagne ? Oui, mais pas en 777, moment où se déroulent les événements relatés, puisqu’elle ne devient reine qu’en 783. Les scènes saphiques entre Brunhilde et Fastrade, puis le fait que les deux femmes partagent la couche de Charlemagne : assez peu probable, compte tenu des mœurs de l’époque.

Le débat n’est pas forcément celui d’une « vérité historique » qu’il faudrait ou non sacraliser. Mais l’épopée carolingienne semble en elle-même suffisamment riche pour ne pas avoir besoin de s’éloigner autant des faits avérés ou considérés comme tels. Cela, d’ailleurs, fait écho à un autre aspect en lien direct avec celui-ci : Eon nous propose, pour représenter les principaux personnages, de bonnes brutes bien médiévales ; les mines patibulaires ne manquent pas. En revanche, il ne nous présente qu’une galerie de bimbos, sculpturales, y compris lorsqu’il s’agit de paysannes faites prisonnières à l’occasion d’un raid…

Ce bémol n’empêchera pas de lire le deuxième tome. Mais ce n’est pas la version de l’épopée de Charlemagne que l’on recommandera à quelqu’un qui n’aurait pas déjà eu l’occasion de « fréquenter » le sujet…

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

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