Roman

On ne touche pas

Chronique de On ne touche pas, de Ketty Rouf.

« Mais quand on gagne un salaire de prof en seulement quelques nuits de danses, on oublie soudainement tous les bouquins qu’on a lus, relus, résumés. Qui a dit que l’argent ne fait pas le bonheur ? »

Ketty Rouf, On ne touche pas, Éditions Albin Michel, 2020, p. 81.

Motivations initiales

Un livre qui nous faisait de l’œil depuis un bon moment. L’auteure avait réussi à nous donner envie pendant la présentation de la rentrée littéraire, et les nombreuses critiques très élogieuses à son sujet avaient fini de nous convaincre, il avait donc rejoint nos étagères… 

Synopsis

Métro-boulot-dodo, c’est la vie que mène Joséphine, professeure de philosophie dans un lycée de la banlieue parisienne. Une vie fade, grise, monotone. Et les seules petites étincelles de bonheur qui viennent éclairer ce quotidien plat et morose, ce sont les moments où ils s’échangent des livres de philosophie avec son collègue.

À ce rythme-là, Joséphine se sent au bord du précipice, elle sait que la dépression la guette. Elle tente de garder le cap, mais elle-même sent qu’elle dérape. Jusqu’au jour où, sur un coup de tête, elle s’inscrit à un cours de pole dance. Et chaque vendredi soir, elle redécouvre ce que cela veut dire de se sentir vivante. Et elle relève son premier défi, celui de faire la paix avec son corps, de réapprendre à l’aimer – et à s’aimer -, ce corps de femme qu’elle a négligé. Comment faire pour vivre en harmonie avec ses formes, ses seins généreux, ses cuisses qu’elle n’aime pas ?

Et puis tout s’accélère. Joséphine se retrouve engagée dans un luxueux club de strip-tease. Là, en quelques nuits, elle gagne plus que son salaire de prof ! Et, surtout, elle découvre le plaisir qu’il peut y avoir à exciter les hommes, à se sentir désirée. Mais est-elle consciente que, sur un coup de dé, elle peut aussi tout perdre : un emploi de fonctionnaire n’est pas compatible avec celui d’égérie des nuits parisiennes…

Avis

J’ai littéralement dévoré ce roman, en seulement quelques heures. Il n’y a pas à dire, on est happé par cette histoire, on est entraîné dans le tourbillon de cette incroyable aventure. D’entrée, on ressent le côté morne de la vie que mène Joséphine, on accompagne sa descente aux enfers, on flirte avec sa dépression…

Et puis Ketty Rouf décrit remarquablement la relation complexe que cette femme entretient avec son corps… mais n’est-ce pas, en réalité, le cas de chacun d’entre nous ? Qui peut dire qu’il est parfaitement en accord avec son corps, même si, naturellement, toutes les gradations sont dans la nature ? Cette question profondément intime ne peut pas laisser le lecteur, quel qu’il soit, indifférent. Cette réflexion sur notre dimension physique, et sur la réappropriation de son corps par Joséphine est tout simplement captivante.

Mais le véritable coup de génie de l’auteure, c’est peut être d’avoir eu l’idée d’opposer ces deux mondes tellement différents qu’ils semblent imperméables l’un à l’autre, celui de l’enseignement et celui de la nuit. Pourtant, ces deux mondes sont ceux qu’habite une même personne, notre héroïne, Joséphine – et, en plus, elle s’appelle Joséphine ! -. Avec Joséphine, on piétine dans les couloirs d’un lycée en attendant que la cloche annonce le début des cours, et on se traîne tout au long de journées grises et ennuyeuses. Mais avec Rose Lee, le soir venu, on retrouve le Dreams, l’alcool, l’excitation et l’argent facile, entre talons aiguilles et lingerie fine ! Cette dichotomie est remarquablement mise en scène !

Entre bienséance et fantasme, il n’y a qu’un pas. Mais ne croyez pas que ce livre est sale, pervers, nauséabond. Libre et sensuel, il est, au contraire, lumineux et clairvoyant. Ce personnage de femme, créé par l’épatante Ketty Rouf, est envoûtant et enivrant !

Alors ? Alors, ne faites pas comme moi ! Prenez le temps, pour bien profiter de cette lecture : effeuillez doucement ce livre. Et comme disait Juliette Greco, « oui, mais pas tout de suite, pas trop vite »…

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