Aventures, Policiers, Récit historique

Par deux fois tu mourras

Chronique de Par deux fois tu mourras, d’Éric Fouassier.

« – Évidemment, reprit la reine en désignant d’un geste faussement désinvolte ses vêtements déchirés et les traces de coups sur son visage, ce vilain défaut expose à certains désagréments. Si nous devions nous rencontrer une troisième fois, je me demande dans quel lamentable état tu te présenterais à moi.

Arsenius releva la tête et se racla la gorge avant de prononcer ses premiers mots.

– Devant votre beauté, noble reine, tous les hommes doivent avoir l’air de mendiants. En cela, ce jour, je ne diffère point d’eux. »

Éric Fouassier, Par deux fois tu mourras, Le Livre de Poche, 2023, p. 281.

Motivations initiales

Cadeau d’Ô Grimoire à Ô Grimoire, ce livre est le premier Éric Fouassier que je lis. Occasion à la fois de découvrir un auteur, mais également de plonger dans cette période que je trouve passionnante de ces royaumes mérovingiens, au milieu du VIe siècle, lorsque les petits-fils de Clovis se battent… et que leurs épouses s’opposent.

Synopsis

Il s’agit du premier tome du diptyque Les Francs royaumes. Chilpéric, Sigebert et Guntramn sont les petits-fils de Clovis, à la tête, respectivement, de la Neustrie, de l’Austrasie et de la Burgondie. Le fait qu’ils soient frères n’empêchent pas les oppositions, bien au contraire : la lutte est féroce et tous les coups sont permis. Ils se sont déjà partagés la part qui revenait à Caribert, mort en 567. Et autour de chacun d’eux, évoluent divers personnages qui tentent de tirer profit de leur position.

Frédégonde, ancienne servante d’origine gauloise, concubine puis troisième épouse de Chilpéric, à la réputation sulfureuse, semble prête à tout pour s’assurer du pouvoir et installer ses enfants durablement comme les héritiers du roi. Brunehilde, épouse de Sigebert, wisigothe d’origine, abhorre littéralement la précédente, convaincue qu’elle a participé, d’une façon ou d’une autre, à l’assassinat de Galswinthe, sœur de Brunehilde et deuxième épouse de Chilpéric, quelques années plus tôt.

Entre deux conflits entre les frères, Brunehilde charge un jeune lettré, Arsenius, protégé de Grégoire de Tours, de se rendre à Rouen pour enquêter et tirer au clair l’assassinat, d’autant plus mystérieux qu’il semble rapidement acquis que la reine Galswinthe a d’abord été étouffée, avant d’être poignardée. Morte deux fois, en quelque sorte… La discrétion de l’asphyxie, le côté explicite des coups de couteaux : n’y aurait-il pas là une volonté de révéler en pleine lumière ce que le premier meurtrier souhaitait plutôt dissimuler ?

Avis

Éric Fouassier nous propose ici à la fois une intrigue bien construite, autour de ce meurtre resté longtemps inexpliqué (dans le roman) mais attribué à Chilpéric, et une revisite de la légende noire de Frédégonde, souvent présentée par les historiens comme une femme cruelle, dont la soif de pouvoir était inextinguible. Il ne s’agit pas d’en faire un mouton tout doux, mais simplement de replacer sa situation dans son contexte.

La fureur de l’époque est bien rendue, la violence des combats, la sauvagerie des envahisseurs qui n’hésitent pas à piller, brûler, torturer, violer. Les intrigues sont nombreuses, et seul compte la victoire finale.

Le personnage d’Arsenius est intéressant. Lettré, il se voit confier par Brunehilde une enquête pour laquelle il n’est pas préparé, seule son intelligence peut lui permettre de s’en sortir. Il se retrouve rapidement pris entre deux feux, ou, plutôt, entre deux reines : Brunehilde attend de lui qu’il établisse la culpabilité de Frédégonde, alors que cette dernière ne lui laisse pas d’autre choix que de démontrer, au contraire, son innocence. Une situation inconfortable, qui lui vaut déboires, blessures et dangers.

Heureusement, il peut compter sur Wintrude, une princesse thuringienne réduite en esclavage à la cour de Neustrie qui a, elle aussi, de bonnes raisons de vouloir découvrir la vérité autour de la mort de Galswinthe.

Une aventure et une enquête palpitantes, habilement replacée dans ce contexte historique puissant. Alors, que diriez-vous de vous équiper, et de rejoindre Arsenius sur les chemins peu sûrs de ce qui n’est pas encore la France ?

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

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