Drame, Historiques, Roman noir, Témoignages

HS 7244

Chronique de HS 7244, de Lorraine Letournel Laloue.

« – Vous pervertissez nos enfants, salissez l’humanité. Je vais reprendre les paroles de notre cher député pour t’expliquer les choses… « Quand une infection sévit, la grippe par exemple, elle s’empare d’un continent entier, et les pays qui ne veulent pas être contaminés par cette infection font des campagnes de vaccination… » Joli, non ? C’est pourquoi notre puissant pays a mis en place ces traques massives. Pour trouver un vaccin qui protégerait notre population de votre mal. Ton président, celui de ta chère République, a ouvert les portes de l’enfer en légalisant vos pratiques démoniaques. »

Lorraine Letournel Laloue, HS 7244, Éditions Belfond, 2019, p. 262.

Motivations initiales

Une fois encore, merci Gérard Collard et la Griffe Noire pour la découverte ! Ce livre a rejoint ma PAL en septembre et diverses obligations m’ont empêché de le lire… Ayant une petite panne de lecture, je me suis dit que c’était l’occasion de le sortir de mes étagères et qu’il allait me captiver !

Synopsis

Ils s’appellent Marius, Sylvain, Saïd et Naroubi. Ils ont tous un point commun, au-delà de leur nationalité, leur origine, leur croyance, ils sont captifs dans un camp à la merci d’un médecin fou, Julien Homes, ayant comme modèle Joseph Mengele.

Ces hommes sont les cobayes du docteur. Il teste leur résistance à la douleur en les plongeant dans des bains glacés, en leur injectant du LSD ou bien des maladies, en les sacrifiant…

En plus de toutes ces expériences médicales farfelues, les prisonniers sont les souffre-douleurs des terrifiants palachs – surveillants -, qui passent leur temps à les rouer de coup, à les déshumaniser et vont même jusqu’à les faire dévorer par leurs chiens pour donner l’exemple.

Ce qu’on leur reproche ? Être des terroristes… Des terroristes diffusant le mal dans la société, des envoyés du diable pour pervertir les autres. En réalité, leur seule « erreur » est d’être homosexuels…

Avis

HS 7244 est un roman ultra-violent et très noir. Il faut avoir les tripes bien accrochées pour aller au bout de cet ouvrage… La force de ce roman résulte dans le fait que l’auteure s’appuie sur des faits réels qui se sont déroulés en Tchétchénie à l’encontre de la population LGBT, et qui ont fait scandale en 2017 lorsqu’ils ont éclaté au grand jour.

Pendant plus de deux cent pages, on assiste à une déshumanisation totale d’hommes et de femmes qui ont tous un point commun, celui d’être homosexuel. Pour beaucoup d’entre nous, heureusement, l’homosexualité ce n’est rien, cela ne change rien à notre regard sur les autres mais, pour d’autres, c’est un crime, une perversion, une abomination que l’on doit absolument éradiquer de nos sociétés.

Au fil des chapitre, on assiste à des scènes d’une violence inouïe – immolation de captif devant les autres prisonniers du camp, pour l’exemple, scarifications pour voir comment réagit l’épiderme d’un homosexuel comparé à celui d’un hétérosexuel, excision et greffe de testicules, lapidation à en entendre les os craquer… Le quotidien de ces personnes est rythmé par les violences physiques mais également mentales. Leurs bourreaux veulent une chose et une seule : éliminer les « parasites ». 

J’ai lu certaines critiques qui disaient que l’histoire était redondante, qu’il s’agissait uniquement de violence et de torture. Effectivement, les faits de violence reviennent très souvent mais pour moi c’est justement là la clé de voute du roman, ce qui nous amène à nous sentir un peu à la place des prisonniers, à partager à distance leur quotidien dans la crasse et la peur de leurs bourreaux.  La répétition des scènes chocs nous oblige à nous interroger. Comment ne pas être révoltés par ce que certains se croient autorisés à infliger à autrui simplement parce qu’il ne serait pas « normal ». Et, surtout, c’est quoi la normalité ? La normalité, est-ce que ce n’est pas d’être capable d’aimer, de faire preuve d’empathie, qu’importe le sexe, la couleur de peau ou la religion ?

Dans ce quotidien noir, on voit pointer une lueur d’espoir, certains prisonniers s’allient, sont soudés et on voit naître des amitiés. Même dans les moments les plus morbides, l’homme est capable de garder la foi et d’espérer que la vérité triomphera.

HS 7244 est un roman noir qui aborde des problématiques actuelles telles que l’homophobie, met en lumière des combats quotidiens que mènent des hommes et des femmes aux quatre coins du monde pour vivre leur vie au grand jour sans se soucier des gens qui les entourent. Pour moi ce livre est un coup de cœur, même s’il provoque un profond malaise. Pourquoi ? D’abord parce qu’il aborde un sujet abject, qui fait que l’on passe une partie du temps à se demander s’il n’y a pas du voyeurisme dans l’attirance qu’il provoque, mais aussi parce qu’il oblige à douter de l’humanité : décidément, la tolérance n’est pas à la portée de tous !

A lire uniquement si vous avez les tripes bien accrochées, uniquement si vous aimez les auteurs ayant une écriture chirurgicale sans fioriture même dans les moments les plus noirs. A lire si vous n’avez pas peur de prendre un aller simple pour l’enfer…

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