Chronique de Le chœur des dragons – Tome 1 Le fléau des rois, de Jenn Lyons.
« Certaines femmes attirent les regards par leur allure. Lorsque les hommes regardaient Tyentso, ce n’était pas avec admiration ni concupiscence, mais avec stupeur, car ils ne pouvaient croire que les dieux puissent se montrer si ingrats. C’était une femme sombre et maigre, à l’allure d’épouvantail, vêtue d’une robe informe constituée de haillons superposés et de grosse toile tachée. Ses yeux étaient durs et hautains et elle se tenait très droite, comme une noble dame susceptible d’ordonner la mort de quiconque lui déplaisait. »
Jenn Lyons, Le chœur des dragons – Tome 1 Le fléau des rois, Bragelonne, 2020, p. 128.
Motivations initiales
Ayant eu la joie d’être retenus par Bragelonne pour faire partie de leurs blogueurs-partenaires pour 2021, nous avons eu la possibilité de choisir plusieurs livres dans leur catalogue de sorties ; et, parmi les livres qui nous faisaient de l’oeil, le deuxième tome de cette saga. Aussitôt, nous avons demandé s’il était possible d’avoir d’abord ce premier tome pour ne pas prendre le train en marche…
Synopsis
Kihrin a grandi dans le Cercle inférieur de la Cité capitale de l’Empire de Quur, entre Surdyeh, son père musicien, aveugle et Ola, qui accepte de les accueillir, tout en tenant une maison de plaisir. Préférant traîner avec des mauvais garçons plutôt que de s’entraîner à chanter pour accompagner son père, il devient un voleur, ce qui l’amène, un beau jour, dans une maison où, par malchance, un démon est invoqué et un homme torturé.
Mais s’agit-il uniquement de malchance ? Car, rapidement, le monde de Kihrin s’effondre, lorsque les faux-semblants se font jour. Personne, finalement, ne semble réellement être ce qu’il parait, et Kihrin lui-même pourrait bien ne pas être uniquement ce jeune homme sans importance…
Avis
Voilà bien un livre dont la construction n’est pas banale. Dans cet épais pavé – il compte tout de même 761 pages, ce n’est pas mal pour un premier tome d’une série… -, le lecteur se retrouve promené, secoué, baladé, de gauche et de droite, sans avoir souvent la possibilité de se poser. En effet, on comprend assez rapidement que rien de ce qui nous est présenté comme une certitude ne sera pas totalement retourné 50 pages plus loin…
Dans la première partie – pratiquement tout le tome -, on est en présence d’un récit à deux voix : Kihrin, d’une part, qui raconte une partie de sa propre histoire, alors qu’il est retenu dans une geôle. Et c’est sa geôlière, Serre, une créature métamorphe qui, non seulement le contraint à faire se récit, mais qui le complète, en racontant à son tour l’histoire de Kihrin, mais avant la partie que celui-ci nous raconte. Ça y est, je vous ai déjà perdus ?
Et, justement, dans ce double monologue qui raconte deux parties de la même histoire, on découvre progressivement que, dans ce monde, deux éléments au moins font que l’on ne doit jamais se fier à ce qui semble être évident. En effet, d’une part, les métamorphes comme Serre troublent le jeu, en étant capables de prendre l’apparence de quelqu’un d’autre, en plus d’avoir dévoré leur souvenir, leur âme et leur corps. Et, d’autre part, Thaena, la déesse de la Mort, peut parfois accorder à une personne morte la possibilité de Revenir. Ainsi, les morts ne sont pas forcément morts, et les personnes qui sont en face de vous peuvent très bien ne pas être celles que vous croyez…
Ajoutez à cela le fait que l’on est en présence de plusieurs grandes familles royales, avec beaucoup de personnages – si je devais comparer, ce serait peut-être avec Guerre et Paix, de Tolstoï, pour l’épaisseur des arbres généalogiques. Il y a de quoi s’y perdre. D’autant que Jenn Lyons – je soupçonne qu’elle y prenne un plaisir pervers – semble adorer nous égarer, semer ici et là de petits indices ténus… Ainsi, les deux récits de la première partie sont commentés et annotés par un troisième personnage, le tout à destination d’un quatrième personnage qui ne nous est présenté que comme étant « Votre Majesté » : il faudra attendre un bon moment pour pouvoir mettre un nom et replacer les deux personnages en question dans l’histoire…
Et pourtant, avec tout cela, eh bien on arrive à garder le fil principal de l’intrigue, même si, je l’avoue, j’ai fait de-ci, de-là une croix sur telle ou telle intrigue – et personnage – secondaire.
L’univers, vous l’aurez compris, est foisonnant. Il nous est présenté par petites touches, malgré sa complexité, ce qui ressemble furieusement à une gageure. Bref, tout ceci est plutôt habile.
Et puis, disons-le, j’ai pris plaisir à suivre les péripéties de Kihrin, ce personnage qui se découvre au cœur d’une intrigue dont l’ampleur le dépasse largement, croit-il. Les possibilités offertes par cet univers, ses lois et ses failles, sont exploitées de façon plutôt habile par l’auteure. Du coup, il ne reste plus qu’à attendre la suite…

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