Biographies & autobiographies, Témoignages

Ma mère avait ce geste

Chronique de Ma mère avait ce geste, d’Alain Rémond.

« Nous avons eu une longue conversation. Pendant que je parlais, elle essuyait la vaisselle avec son torchon, dans la cuisine. Puis elle a mis sa main contre sa joue. Oui, elle était soucieuse, elle se faisait du souci pour moi. Qu’allais-je faire maintenant, qu’allais-je devenir ? Je lui ai demandé de me faire confiance. »

Alain Rémond, Ma mère avait ce geste, Éditions Plon, 2021, p. 28.

Motivations initiales

Invités à participer à la soirée de présentation de la rentrée littéraire des Éditions Plon, nous avons eu le plaisir de repartir avec le tote bag contenant les livres présentés… que vous allez donc pouvoir découvrir, si ce n’est déjà fait, ici. Et, pour inaugurer cette série, une introspection familiale…

Synopsis

Alain Rémond n’est pas le premier écrivain à écrire sur sa mère. On peut évidemment penser à Romain Gary – La promesse de l’aube -, à Albert Cohen – Le livre de ma mère -, à Philippe Labro – Ma mère, cette inconnue -, à Annie Ernaux – Une femme -, pour ne garder que les livres qui parlent d’amour.

C’est donc à un parcours de mémoire qu’il nous invite ici, à la recherche du geste, de l’intonation, du timbre de voix, de la madeleine proustienne…

Avis

Écrire, notamment, sur sa mère, et, plus largement, sur sa famille – son père, ses frères et sœurs – est évidemment un exercice profondément intime. Et par moment, comme lecteur ou lectrice, on se sent dans la position du voyeur, de celui qui se faufile dans le couloir de la maison pour capter une scène qui se déroule dans la cuisine, de celle qui, un soir d’hiver, observe la vie derrière une fenêtre éclairée. Et, naturellement, on ne comprend tout, parce que comment faire pour comprendre l’amour ?

D’ailleurs, cette question, Alain Rémond la pose : c’est quoi, l’amour d’une mère ? C’est quoi l’amour pour une mère ? À quoi cela tient-il ? D’où cela nait-il ? Cet attachement profond, écrit-il, est né en dehors des mots : « dans mon enfance et mon adolescence, je ne crois pas avoir beaucoup parlé avec ma mère » (p. 136). « Alors, de quoi était fait ce lien entre elle et moi ? », s’interroge-t-il (p. 137). Question qui peut d’ailleurs s’élargir à toutes les relations familiales, ainsi qu’Alain Rémond le montre, en revenant sur son père, qu’il découvre ne pas avoir su aimer, et en évoquant les relations avec ses frères et sœurs – ses sœurs, surtout, d’ailleurs.

Mais ce livre est aussi une réflexion sur la mémoire, sur les souvenirs. Sur leur enregistrement, mais aussi sur leur construction. Qu’est-ce que je retiens, et comment je construis ou j’extrapole ce que je n’ai pas su, pas compris, pas vécu personnellement ? Et, naturellement, ces questions sont fascinantes, parce que tous nous sommes confrontés, de ci, de là, à ces souvenirs dont nous apprenons un jour qu’ils sont notre interprétation faussée de quelque chose qui n’est pas arrivé comme nous l’avons cru !

« Intime et universel », ainsi que ce récit nous est présenté en quatrième de couverture. Et peut être tout est-il dit dans ce chapitre où l’auteur évoque une lectrice – j’ai adoré ce passage – qui, à l’occasion d’un salon du livre, lui a dit un peu brutalement qu’il racontait toujours la même chose, dans tous ses livres, avant de revenir pour déposer sur sa table un mot, s’excusant de le lui avoir dit, de l’avoir blessé. Mais, ainsi qu’Alain Rémond le dit alors, un écrivain, finalement, écrit en effet toujours la même histoire : la sienne, avec ses souvenirs, ses sensations, et tout ce qui, sur le moment n’a pas été compris (p. 58-59).

Mais ce qui me frappe peut-être le plus dans ce livre, c’est la sorte de décalage entre ce qui est revendiqué et ce qui est décrit. À plusieurs reprises, en effet, l’auteur insiste sur l’amour, sur la proximité entre les membres de cette famille, sur le paradis qu’était le village où il a grandi. Mais, si je m’en tiens au premier degré de l’histoire qui est racontée, il y a autant de blessures et de colère que de tendresse et de bonheur. Une tentative de fugue, une rencontre ratée avec son père, la vente du chien Miron vécue comme une trahison, le regret de la guerre larvée entre ses parents une fois l’amour disparu, la fuite du village… pour finalement conclure que la volonté de fuguer était excessive, qu’il n’avait pas été un bon fils pour son père, comme si tous les torts étaient de son côté. Comme une expiation ?

En tout cas, ce livre donne l’envie d’aller voir sa maman, et de lui poser sur le front un baiser. Tout ne peut s’exprimer par les mots, car ils sont si imprécis, si faillibles, si réducteurs. Et l’on ne sait toujours pas d’où naît l’attachement… Mais qu’importe ?

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