Dans la tête de Sherlock Holmes – 1/2

Chronique de Dans la tête de Sherlock Holmes – 1/2, de Cyril Lieron et Benoît Dahan.

« Eh bien, cher Dr Fowler, voici ce qui vous est arrivé cette nuit… Sans que vous en ayez souvenir, après vous être couché, vous vous êtes relevé et êtes sorti en pleine rue sans prendre la peine de vous vêtir. Vous êtes monté à bord d’un attelage, de type town coach antérieur à 1850, partageant le trajet avec au moins une autre personne : une femme portant de délicates pantoufles roses. Elle-même devait se trouver dans un état second pour ne pas remarquer votre « emprunt ». »

Cyril Lieron et Benoît Dahan, Dans la tête de Sherlock Holmes – 1/2, Éditions Ankama, 2019.

Motivations initiales

Cette bande dessinée nous a été prêtée et chaudement recommandée. Quand cela se produit, que croyez-vous qu’ils font, chez Ô Grimoire ? Eh bien ils placent les ouvrages en question sur le haut de leur – (toujours trop) volumineuse – pile à lire.  Ainsi fût fait, et voilà déjà l’occasion de s’y attaquer. Alors, à nous 3, Sherlock Holmes !

Synopsis

Un matin, alors que Sherlock Holmes peine à émerger des brumes de la cocaïne, un agent de police survient. Mais ce n’est pas Holmes que ce dernier vient consulter, mais il accompagne un patient pour le Dr Watson, lequel reconnait dans l’olibrius hagard, à peine vêtu d’une chemise de nuit, de l’un de ses chaussons et d’un chausson de femme à l’autre pied, une clavicule cassée, son confrère, le Docteur Fowler.

Aussitôt, pendant que Watson lui administre les premiers soins, Sherlock Holmes mène l’enquête. Le nœud de l’affaire semble tourner autour du spectacle donné la veille, dans des circonstances assez suspectes, par un mage asiatique. Voilà donc une nouvelle affaire à tirer au clair pour le duo Holmes – Watson, dont les ramifications risquent de les emmener d’un théâtre à un hôpital, des beaux quartiers de Londres à l’East End de sinistre réputation, de la morgue à la rédaction de l’Evening News !

Avis

Je ne peux pas exclure que, si cette bande dessinée m’était tombée entre les mains dans une librairie, je l’aurais reposée sans chercher plus loin, car la première chose qui m’aurait frappé aurait sans doute été que je n’aime pas spécialement ce type de dessin. Visages très anguleux, nez – très – exagérés, mentons fréquemment proéminents…

Ce qui, en revanche, m’aurait forcément échappé, c’est l’inventivité de la mise en scène. Oui, j’emploie volontairement « mise en scène » plutôt que « mise en dessin » ou « mise en page », parce que l’impression, à la lecture, est véritablement celle d’un rythme, d’une sarabande effrénée. Mise en scène, donc, à la fois très victorienne et très Art nouveau, dans la forme des cases, dans les cartouches qui n’en sont pas, dans l’organisation même des bandes (qui n’en sont pas systématiquement). Un système additionnel de « commentaires » – je ne sais comment les nommer – rajoute une couche additionnelle à l’appareil habituel de la bande dessinée.

Quant à l’histoire… on passe la moitié de l’aventure dans la tête de Sherlock Holmes, position ô combien privilégiée quand il s’agit de résoudre une énigme, mais qui est aussi, par moment, très déstabilisante. C’est malin, c’est amusant, c’est efficace. Le héros a toujours plusieurs wagons d’avance, on se fait vraiment l’impression de réfléchir au ralenti. Rien ne lui échappe, tout lui fait sens.

Je ne résiste pas au plaisir d’ajouter ce qui n’est en réalité ni du dessin, ni du scénario, mais tient des deux à la fois. Je vous laisse en effet découvrir comment, du début à la fin de cet album, nous suivons, sans le perdre, un véritable fil rouge…

On rit, on sourit, on s’étonne, et en même temps on retrouve tout l’esprit de Sherlock Holmes, dans ses qualités et dans ses travers. L’hommage rendu ici est à la fois respectueux et parfaitement iconoclaste – et j’imagine que les auteurs le revendiquent.

Alors, vous en êtes ? Oui ? Rendez-vous à Baker Street, mais dépêchez-vous, il ne faut pas faire attendre le maître…

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.