Aventures, Drame, Roman

L’Arrangement

Chronique de L’Arrangement, de Gilles Verdet.

« Amandine garde la pause verticale, le dos et la nuque droits. Elle parle. Elle a rien raconté à son compagnon. Impossible à dire pour elle, impossible à entendre pour lui. La honte a dépassé la gêne. La honte en dedans, si crasse et si vacharde qu’elle s’est tue, et couchée seule, tôt, sans dormir, sans rêver à rien. Elle me serre le bras. Tout me revient de ses confidences de la veille. Son récit de l’entrevue, précis, détaillé, entier. »

Gilles Verdet, L’Arrangement, Éditions In8, 2023, p. 19.

Motivations initiales

Les éditions In8 nous permettent, régulièrement, de découvrir un nouveau livre de leur collection. Et c’est à chaque fois avec plaisir que nous découvrons un(e) nouvel(le) auteur(e), une nouvelle histoire. C’est ainsi que L’Arrangement est arrivé, voilà quelques jours, dans notre PAL…

Synopsis

Elles sont deux. La narratrice, dont on ne saura pas le prénom, et Amandine. Elles sont collègues de travail, dans un hypermarché, Amandine à la caisse, la narratrice au rayon poisson. Un jour, Amandine laisse passer un pack de bière et se fait pincer. Elle est enceinte. Elle n’a qu’une angoisse, perdre son travail. Convoquée chez le DRH, il lui impose un « arrangement », d’ordre sexuel.

Elles sont deux, et la narratrice, souvenir d’une ancienne histoire, a un Beretta. Alors, prises dans un tourbillon, elles embarquent le DRH, qu’elles n’appellent plus que « l’Arrangement », dans le coffre d’une voiture, direction la Normandie.

Quelques péripéties plus tard, elles sont trois. Rose, une activiste, est entrée dans le groupe, et les emmène vers Marseille, où elle descend manifester, sans doute avec des Gilets jaunes.

Les flics chargent, la narratrice est arrêtée, et les voilà quatre… Yasmine, l’avocate commise d’office, fait également partie du groupe. Mais de quel groupe ? Du groupe de celles qui ne tolèrent plus les « arrangements ».

Avis

Ce qui est réjouissant avec ce livre, c’est que c’est l’anti-réseaux sociaux par excellence, et la négation de tout ce que l’on essaye de nous faire avaler depuis des années. Ces quatre femmes n’ont aucune raison réelle de se rencontrer. Elles n’ont, en fait, rien en commun. De ce que l’on nous dit, Amandine semble fragile, timide, résignée. À l’inverse, la narratrice parait décidée, forte, et si on devine qu’une partie de sa force vient des difficultés rencontrées et traversées, ce qu’elle en a retenu l’a armé – et pas uniquement d’un Beretta. Rose, elle, nous est présentée comme une sorte de pasionaria des luttes, elle s’oppose dans la joie et la légèreté, comme si l’adrénaline du combat lui tenait lieu de raison de vivre. Enfin, Yasmine, l’avocate issue des banlieues de Marseille transpire la bienveillance, elle fait de son travail un sacerdoce.

Quelle était la probabilité qu’elles se rencontrent ? Nulle ! Et pourtant, cela se produit, et elles se reconnaissent. Quel pied de nez à notre modernité qui nous isole de plus en plus de ceux qui ne nous ressemblent pas ! Sur Instagram, sur Meta, sur Tik-Tok, elles n’auraient pas fréquenté les mêmes communautés et ne se seraient jamais croisées. Aucun site de rencontre n’aurait parié qu’il put y avoir un « match ». Et pourtant, elles sentent au premier regard ce qui les rapproche.

Pourtant, il y a tout de même quelques « mais ». Normalement, un road-movie comme celui-ci, on le comprend bien, a toutes les chances de mal se terminer. Enfermez votre DRH dans le coffre de votre voiture, sous la menace d’une arme à feu, fichez le camp en Normandie le temps de vous mettre à dos toute une famille de trafiquants, et, honnêtement, vous avez de bonnes chances de ne pas reprendre exactement le cours de votre vie « normale ». Eh bien, ici… presque ! Quasiment un happy end à l’américaine, du moins lié à l’histoire qui est déroulée ! Je ne vais pas dire que Thelma et Louise avaient tout de même plus de panache – parce que, évidemment, on pense à elles – … mais, quand même, si l’on se souvient d’elles 30 ans plus tard…

J’ai également trouvé que le parti-pris, tenu du début à la fin, de quasi-systématiquement évacuer une partie de la négation dans les phrases (« Elle a rien raconté à son compagnon », ou « Je lui cache rien de ma vie », « elle semble pas effrayée, juste ébahie »…), si cela donne un rythme nerveux, tendu, cela finit aussi par être un peu répétitif. Trop.

Et puis… J’aurais aimé, j’aimerais lire cette histoire écrite par une femme. Parce que j’ai eu, à certains moments, l’impression que ces femmes auraient fonctionné différemment sous la plume d’une femme. En même temps, en l’écrivant, je me rends compte que ce n’est pas exactement ce que je veux exprimer, parce que je sais qu’exactement la même chose pourrait être dit de deux femmes écrivant la même histoire. Mais je ne peux m’empêcher de penser que cette histoire mériterait d’être écrite par une femme, je ne sais pas l’exprimer mieux…

Malgré ces quelques bémols, L’Arrangement reste un livre dont les héroïnes pourraient bien vous marquer. Pour longtemps. Alors, prêts à vous embarquer pour ce périple ? Il reste quelques places à l’arrière de la voiture. Et ce sera probablement la seule fois de votre vie où vous pourrez enfermer votre DRH dans votre coffre, ce n’est tout de même pas rien…

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

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