Chronique de Fleur de cadavre, de Anne Mette Hancock
« Elle plongea sa cigarette, fumée à moitié, dans un verre d’eau qui se trouvait sur le comptoir. « On fait tout ce qu’on peut pour être la meilleure mère possible pour son enfant, mais ce n’est jamais assez. Je n’en sais rien… Frank, lui, il est parti. Il nous a abandonnées. Moi au moins, j’ai donné à notre fille un toit sur la tête et un lit où dormir. »
Anne Mette Hancock, Fleur de cadavre, Le Livre de Poche, 2020, p. 186.
Motivations initiales
Sélection de juillet pour le Prix des lecteurs du Livre de Poche, section polar, c’est une nouvelle découverte d’une auteure. Prix de la révélation du polar danois en 2017 et best seller au Danemark, cela semble vraiment prometteur !
Synopsis
Heloise Kaldan est journaliste à Copenhague. Elle traverse une période professionnelle un peu tendu, après avoir cru aveuglément ses sources pour écrire un article dans lequel elle s’attaque à un ministre… ce qui lui vaut une volée de bois vert.
Et puis elle commence à recevoir des lettres d’une certaine Anna Kiel, postées de France. Elle ne la connait pas, ou, plutôt, ne la connait que comme la meurtrière d’un jeune avocat prometteur, quelques années plus tôt. Pourtant, Anna Kiel semble bien la connaître, et conclut chacune de ses lettres par une formule mystérieuse :
« Puisqu’on me prive de ta présence, Héloïse, donne-moi au moins par tes mots la douce essence de ton être »
Y a-t-il un lien entre tous ces éléments ? Que lui veut Anna Kiel ? Où tout cela peut-il emmener Heloise ?
Avis
La fleur de cadavre dont il est question est l’arum titan, ou Amorphophallus titanum, une espèce endémique de Sumatra. Plante rare, elle est également remarquable avec ses floraisons exceptionnelles – une fleur tous les 5 à 10 ans en moyenne, la floraison durant 72 heures -. Le parfum de la fleur est également remarquable, mélange d’odeur de cadavre et de poisson pourri, perceptible jusqu’à 800 mètres et destinée à attirer un coléoptère bien précis…
Il n’est probablement pas anodin qu’une floraison ait eu lieu, en 2012, au jardin botanique de Copenhague… il n’est pas exclu que l’auteure ait fait partie des 15000 visiteurs qui se sont déplacés pour y assister !
L’histoire est très efficace. On entre rapidement dans le livre, en découvrant les principaux protagonistes de l’intrigue : une Anna qui se cache dans le sud de la France, et qui parait bien atteinte psychologiquement ; Heloise, en pleine tourmente après avoir accordé une trop grande confiance à une source ; et l’inspecteur Erik Schäfer, qui a travaillé, à l’époque, sur l’affaire de l’assassinat de Christoffer Mossing, jeune avocat prometteur.
Cela se lit très bien, ça marche bien, on sent rapidement, bien avant de commencer à voir se dessiner les grandes lignes d’une histoire bien noire, que toutes les pièces du puzzle ne sont pas à leur place. La mécanique est bien rodée, les sentiments sonnent juste, bref, c’est un quasi sans-fautes.
Le seul bémol, s’il fallait faire une critique – mais, réellement, c’est du pinaillage – c’est que la scène, relativement longue, pendant laquelle Anna s’explique m’a parue presque trop longue et trop explicative. On aurait peut-être pu laisser un peu plus d’ombres, mais on sent que l’auteure veut être sûre de nous convaincre. Et c’est presque trop. Mais c’est vraiment pour être pointilleux !
Une très bonne lecture, donc, un polar efficace et bien noir comme savent les écrire les auteurs du grand nord. Glaçant, peinture d’une société dure et froide…