Historiques, Roman

Le train des enfants

Chronique de Le train des enfants, de Viola Ardone.

« – … Et vos mamans qui vous ont fait monter dans ce train pour partir loin, à Bologne, Rimini, Modène, c’est de l’amour.

– Pourquoi ? Ceux qui se débarrassent de toi ils t’aiment ?

– Ameri’, parfois ceux qui te laissent partir t’aiment plus que ceux qui te retiennent. »

Viola Ardone, Le train des enfants, Éditions Albin Michel, 2021, p. 76-77.

Motivations initiales

Parmi les nouveautés annoncées chez Albin Michel, il y avait ce livre, qui sort aujourd’hui même. Il raconte, sous la plume de Viola Ardone, l’histoire vraie du déplacement, en 1946, d’enfants issus de familles pauvres du Sud de l’Italie, et envoyés dans des familles d’accueil dans le Nord, plus riche. Le déplacement est organisé par le Parti communiste italien. Une page de l’histoire de l’Italie dont je n’avais jamais entendu parler et qui, naturellement, promet beaucoup…

Synopsis

Naples, 1946. Amerigo a 8 ans, il vit seul avec sa mère, Antonietta, qui peine à joindre les deux bouts, malgré sa liaison avec Forte-Tête, un commerçant aisé. Dans le quartier, de toute façon, tout le monde à d’abord un surnom : La Jacasse, La Royale…

Pourtant, lorsque Maddalena Criscuolo, figure du parti communiste napolitain pour actes de résistance pendant la guerre contre le IIIe Reich, propose d’emmener Amerigo, pour l’emmener dans le Nord, Antonietta est très réservée. D’ailleurs, les rumeurs vont bon train : les enfants ne seraient pas destinés à rejoindre le Nord de l’Italie, mais la Russie, pour être exploités, mangés, noyés, empoisonnés…

Amerigo débarque ainsi à Bologne, chez Derna. Très engagée au parti, cette dernière ne sait pas précisément comment faire avec les enfants, mais Amerigo et elle vont finalement s’apprivoiser. Il va également passer du temps dans la famille de la cousine de Derna, Rosa, Alcide et leurs trois enfants. Comment sera-t-il accepté ? Et comment va se dérouler le retour ?

Avis

Quel livre ! Quel livre, quelle histoire ! Ces enfants, séparés de leurs parents « pour leur bien », plongés dans un milieu plus aisé, puis ramenés, pour certains, à leur condition initiale. Quelle rupture, au milieu de l’enfance…

On suit plus particulièrement les parcours d’Amerigo, de Tommasino, son ami d’enfance, parti également, et de Mariuccia, une fillette rencontrée dans le train. Mariuccia qui fera le choix de ne pas revenir dans le Sud ; Tommasino, qui, revenu, parviendra à tisser un lien entre sa vraie famille et sa famille d’accueil. Et Amerigo, lui, dont la mère va faire en sorte de couper tous les liens qui auraient pu être préservés avec ceux qui l’ont accueilli. Au point que, quelques années plus tard, Amerigo va se sauver de chez lui, et rejoindre le Nord, en rupture de ban avec sa famille.

Là, il apprendra la musique et deviendra concertiste.

C’est d’ailleurs le concertiste, habitué aux déplacements internationaux, que l’on retrouve dans la dernière partie, alors qu’il revient pour enterrer Antonietta.

Toute cette histoire, on la suit par la voix d’Amerigo, dans sa tête, dans ses pensées, dans ses rêves, dans ces espoirs, dans sa douleur : douleur de l’abandon, douleur de la rupture, douleur de la trahison. Parviendra-t-il à pardonner à celle qui l’a coupé de cette famille de Bologne qui lui voulait du bien ; qui a revendu le cadeau qu’ils lui avaient fait, un petit violon, pour un petit peu d’argent ; qui a refusé qu’il reçoive les lettres qui lui étaient destinées ?

Très joliment écrit, mais abordant des sujets graves et sérieux, ce livre est pourtant empreint d’une grande douceur et de beaucoup de tendresse. À mettre entre toutes les mains !

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