Aventures, Policiers, Roman noir, Thrillers

3 secondes

Chronique de 3 secondes, d’Anders Roslund et Börge Hellström.

« Les maniques étaient dans un des tiroirs à couverts, il posa une tulipe sur chacune d’elles et les enfourna en plaçant les boutons bien ronds près de la vitre. Il aimait tellement l’instant où cela se produisait. Le printemps et la vie contenus à l’extrémité d’une tige verte. Les boutons allaient s’éveiller à cette chaleur soudaine et libérer pour la première fois leurs couleurs. »

Anders Roslund et Börge Hellström, 3 secondes, Le Livre de Poche, 2020, p. 216.

Motivations initiales

Nouvelle lecture dans le cadre du Prix des lecteurs du Livre de Poche 2020, section polars. Un roman policier venu du Nord, premier tome d’une trilogie, écrite par un journaliste d’investigation suédois et un ancien détenu, ayant créé un organisme de prévention du crime. Il est à noter que ce livre a inspiré le film The Informer, sorti cette année…

Synopsis

Un bel appartement, au 4e étage du 79 Västmannagatan. Après avoir récupéré – en les faisant, littéralement, vomir tripes et boyaux – le chargement d’amphétamines de plusieurs mules, un suédois et deux polonais traitent avec un acheteur danois. Mais celui-ci, un peu nerveux, et à la « couverture » un peu trop light, finit par se trahir. Agent de police, il finit avec une balle dans le crâne.

Ewert Grens, commissaire de police à qui l’affaire échoit, est un homme hanté par la mort de sa petite amie, dans des circonstances que l’on ignore longtemps, mais qui l’ont d’abord menée dans une institution. Il n’a jamais fait le deuil, n’a pas réussi à assister à son enterrement…

Mais l’affaire semble rapidement plus complexe. Un homme, à l’accent suédois, a appelé depuis l’appartement pour signaler le meurtre. Qui est-ce ? Et quel a été son rôle exact ? Le mystère s’épaissit lorsque l’un des suspects se retrouve en prison, après avoir été pris avec quelques kilos d’amphétamines…

Avis

Voilà un beau pavé de 700 pages ! Et qui peut donc paraitre un peu inquiétant au premier abord, pour celles et ceux que les gros livres rebutent un peu…

Évidemment, il y a une phase de mise en place – surtout, j’imagine, lorsqu’il s’agit d’ouvrir une trilogie : on doit se situer dans un « environnement » un peu complexe, pour qu’il y ait matière pour trois opus -, mais, pour ma part, cela a été très vite et très naturellement. On commence par suivre, même si on ne le sait pas immédiatement, une mule qui a la bonne idée de prendre le ferry entre la Pologne et la Suède… et ça tangue un peu, sinon sur la mer, au moins dans l’estomac du pauvre type. Puis on découvre Erik Wilson, et on entend parler de Paula. Et, là, ça commence vraiment.

Je n’ai pas souvenir d’avoir déjà lu un livre comme celui-ci. Le milieu de la drogue dans les pays de l’Est, on connait un peu de réputation, on se doute que ce n’est pas franchement blanc-bleu. Par contre, j’avoue que je n’avais pas forcément enregistré la proximité entre la Suède, le Danemark et la Pologne, notamment, et toutes les incidences que cela peut avoir, notamment en termes de criminalité.

Mais ce qui est tout à fait passionnant, dans ce livre, c’est toute la mise en abime de cette question des infiltrés et de leur emploi par la police. Sans avoir jamais réfléchi à la question, j’aurais intuitivement pensé que, en effet, c’était une bonne réponse à l’évolution de la criminalité et à l’irruption des mafias violentes d’Europe de l’Est. Mais j’aurais dû, sans doute, me douter qu’il existe rarement des réponses simples à des questions aussi complexes. Et, donc, imaginer que cela pose de nombreux problèmes.

Mais, j’avoue, tout cela m’avait échappé. Naïveté ? Angélisme ? Peut-être.

Et, pourtant, il y a quelques passages de pure poésie du XXIe siècle. Comme l’extrait qui ouvre cette chronique. J’ignorais naturellement que les amphétamines pouvait avoir une odeur – ainsi, d’ailleurs, que, pures, elles n’en ont pas -, et que c’est le solvant employé qui détermine leur éventuelle odeur. Ici, produite en Pologne, avec pour solvant des engrais pour fleurs, elles ont une odeur caractéristique de tulipe… Ainsi, cela inspire notre infiltré, qui va utiliser des tulipes en boutons pour transporter discrètement les quantités dont il a besoin, jusque dans les lieux les plus improbables – mais je vous laisse découvrir !

Et puis la hiérarchie policière s’en mêle, ainsi que les politiques. Et, là, naturellement, les choses se gâtent. Mais, là encore, je ne voudrais pas spoiler. Toujours est-il que ce volet de l’histoire est lui aussi très intéressant.

Enfin, alors que l’on s’approche de la fin, on peut commencer à deviner ce qui va se produire. Mais cela n’est pas dérangeant : on reste curieux de la façon dont l’auteur va nous envelopper tout cela… et pas uniquement dans des boutons de tulipes !

Bref, une très belle découverte… et deux tomes à suivre que je ne manquerai pas de me procurer !

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