Aventures, Roman

La chanson d’Arbonne

« Et, un soir venteux, alors que le tonnerre grondait au loin dans les collines au nord de Mignano, il y avait eu la chevelure couleur de nuit de Lucianna Delonghi au bout de la table du banquet, le scintillement de ses bijoux et l’éclat de son esprit, ses propos semés de pièges et de doubles sens, son rire moqueur puis, de façon stupéfiante, ce qu’elle devenait ensuite, ailleurs, sous le baldaquin rehaussé de peintures de son lit, vêtue seulement de ses bijoux étincelants… ce qui se produisait lorsque le rire cessait d’être moqueur, mais rire demeurait. »

Guy Gavriel Kay, La chanson d’Arbonne, Librairie l’Atalante, 2019, p. 212.

Motivations initiales

Des motivations, il y en a tellement… D’abord, celle liée au fait que Guy Gavriel Kay fait, depuis… plus de vingt ans… partie de mes auteurs fétiches. Depuis que j’ai lu, en apnée, ou quasiment, sa première série, les trois tomes de La tapisserie de Fionavar, réécriture des légendes arthuriennes. Mais La chanson d’Arbonne, c’est également un livre que j’ai eu, que je n’ai pas lu, et que j’ai abandonné, à l’occasion d’une séparation, sans savoir que je ne le retrouverai pas facilement. Et puis, enfin, en 2019, L’Atalante, une des maisons d’édition qui a participé à la construction de mon imaginaire, ressort ce livre et nous l’envoie. Trois motivations, donc, qui faisaient de ce livre un must de l’année…

Et un immense merci à la Librairie L’Atalante pour cette réédition, avec cette superbe couverture !

Synopsis

Tout l’art de Guy Gavriel Kay consiste, depuis de nombreuses années, à s’emparer d’une période de l’histoire, d’un lieu, et de nous y embarquer avec lui. Après Tigane, qui décrivait une Italie médiévale, et avant Les lions d’Al-Rassan – Al Andalus – et La mosaïque de Sarance – l’empire byzantin -, La chanson d’Arbonne revisite la Provence du Moyen Âge. Et, dans les remerciements, Guy Gavriel Kay signale ses principales sources, dont, en français, Georges Duby, Philippe Ariès et Emmanuel Le Roy Ladurie, rien que cela…

Le pays d’Arbonne est un pays du Sud, dans lequel ducs et comtes sont également des troubadours. Une femme y dirige la Cour d’amour et, surtout, depuis la mort du comte Guibor, le pays tout entier est mené par une femme, Cygne, ce qui, aux yeux de ses voisins, en fait une proie intéressante. Et ce d’autant plus que les deux principaux seigneurs du pays, Urté de Miraval et Bertran de Talair, sont de farouches ennemis, séparés, depuis plus de vingt ans, par les séquelles de l’histoire… De l’histoire ? En tout cas, d’une histoire…

Mais que vient faire exactement en Arbonne Blaise du Gorhaut, un mercenaire au service d’un baronnet d’Arbonne ? Lui qui a fui son pays et son père, qui cherche à oublier Lucianna Delonghi, qui est-il véritablement et quelle part prendra-t-il à cette histoire ?

Avis

> L’avis de T

Il n’y a rien à faire. Je ne me lasse pas de la plume de Guy Gavriel Kay. Et non seulement je ne m’en lasse pas, mais, surtout, elle me fait à chaque fois voyager. Dans l’espace et dans le temps, mais, surtout, dans l’âme humaine.

Pour celles et ceux qui ne seraient pas des « Kayesiens », permettez-moi juste un aparté sur ceux des livres de Guy Gavriel Kay que j’ai déjà lus. Le premier écrit, et le premier que j’ai lu, c’est La tapisserie de Fionavar. Une merveille de réécriture des légendes arthuriennes, dans laquelle quatre étudiants américains de notre époque se retrouvent dans un univers parallèle, médiéval-fantastique. La question qui se pose à eux est celle – tout simplement ! – de choisir leur destin. Dans quel monde vont-ils choisir de vivre ? Et dans quel sens vont-ils orienter leur vie ? Bref, sans rentrer dans les détails de chaque, à chaque fois, il y a une zone géographique et une période de référence, mais également un grand sujet de fond. Et, à chaque fois, le tout est mis en musique avec le style tantôt étincelant, tantôt sobre, de Guy Gavriel Kay…

Dans La chanson d’Arbonne, le contexte est celui de la Provence au Moyen Âge et le sujet, l’amour et la transmission. Car, par-delà les jeux de pouvoir, par-delà, surtout, leurs intrigues, les puissants de ce monde sont tout autant que les autres les esclaves de leurs sentiments. Et victimes des secrets qu’ils élaborent, qu’ils protègent, qu’ils transmettent. Pratiquement jusqu’à organiser leur vie toute entière autour, jusqu’à mettre dans la balance leur existence et la survie du comté.

Mais La chanson d’Arbonne met également en scène toute la violence de la religion lorsqu’elle exclut, lorsqu’elle sépare, lorsqu’elle oppose. Et la fureur du Dieu – mais, surtout, de son clergé – embrase ici le pays d’Arbonne. Malheureusement, cela n’est pas sans nous rappeler certaines situations récentes…

La chanson d’Arbonne mêle adroitement l’Histoire, avec toutes les lignes de force géopolitique de cet univers composé par Guy Gavriel Kay et les histoires, humaines, individuelles : tous les protagonistes nous sont présentés dans toute leur complexité, avec leurs faiblesses, leurs renoncements, leurs petites lâchetés, leurs fêlures et leurs manquements. Bref, avec leur humanité. Et, grâce à cela, on entre extrêmement facilement dans ce livre.

Pour finir, un petit message personnel : Monsieur Kay, si je ne comprends pas toujours votre humour sur Twitter, je suis, définitivement, fan de vos livres, de vos histoires, de votre écriture. À chaque fois, vous m’emmenez dans votre univers, et j’ai l’impression d’en revenir avec une nouvelle vision du monde, plus tolérante, plus ouverte, plus réfléchie…

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3 réflexions au sujet de “La chanson d’Arbonne”

    1. Si vous le lisez donnez-nous des nouvelles ! Mais une précision : Guy Gavriel Kay n’écrit que des pavés : celui-ci, l’un de ses plus courts, fait 600 pages… ça ne plait pas forcément à tout le monde ! 😌

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