Aventures, Policiers

Le triangle d’or

Chronique de Le triangle d’or, de Maurice Leblanc.

« Comme M. Desmalions ne cessait de le répéter, dix-huit cents sacs ne peuvent pas rester invisibles. Toute excavation laisse des traces. Il faut une issue pour y entrer et pour en sortir. Or le gazon des pelouses, comme le sable des allées, ne révélait aucun vestige de terre remuée fraîchement. Le lierre ? Les murailles de soutien ? Les terrasses ? Tout cela fut visité. Inutilement. »

Maurice Leblanc, Le triangle d’or, Éditions Archipoche, 2022, p. 151.

Motivations initiales

S’il fallait citer trois choses qui me ramènent à l’enfance – si tant est qu’on en ait envie, ce qui reste à démontrer -, il y aurait les soufflés au coco de Delacre – eh, oui, chacun sa madeleine… et vous, c’est quoi le biscuit de votre enfance ? -, les légendes arthuriennes, et Arsène Lupin. Oh, je n’ai pas lu toutes les aventures de ce dernier, mais L’aiguille creuse et Le bouchon de cristal ont suffi à me convertir. Alors, forcément, lorsque j’ai découvert que, chez Archipoche, ils entreprenaient de rééditer l’œuvre de Maurice Leblanc, j’ai eu envie de compléter ma connaissance du « mythe lupinien » évoqué par Michel Bussi dans la préface…

Synopsis

Alors que la Première Guerre mondiale fait rage, certains soldats blessés, amputés, défigurés, boiteux, manchots… sont soignés et hébergés dans des lieux de soin. Le capitaine Patrice Belval est l’un d’entre eux. Avec Ya-Bon, Ribrac, Vatinel, Poulard, Jorisse, il fait échouer la tentative d’enlèvement qui visait celle qu’ils appellent Maman Coralie, une infirmière dont ils sont tous tombés sous le charme…

Véritablement amoureux, Patrice Belval veut protéger sa belle… mais celle-ci ne semble guère réceptive. Pourtant, quelques heures plus tard, son mari, le banquier Essarès, est assassiné. Et Patrice Belval est encore dans les parages : il a reçu, précisément, une adresse et la clé rouillée qui ouvre la petite porte au bout du jardin de la propriété du banquier.

Pourquoi ce soudain déchainement de violence ? Cela a-t-il à voir avec le milliard en or qui semble avoir été dérobé aux réserves françaises et acheminé, pour l’essentiel, à l’étranger ? Les mille huit cents sacs contenant les 300 derniers millions, dont on pense qu’ils n’ont pas encore été expédiés, seraient un motif plus que suffisant. Mais qui pourrait résoudre l’énigme ? Arsène Lupin, peut-être… sauf qu’il s’est jeté à la mer, et est donné pour mort…

Avis

Cette histoire publiée initialement en 1918 est évidemment datée par certains côtés – qui, désormais, oserait appeler un ancien combattant sénégalais, défiguré, Ya-Bon ? Et qui oserait, surtout, en faire le souffre-douleur consentant d’un capitaine de l’armée française ? -. Pas de téléphone portable, pas de bases de données ni de dark-web, pas de course-poursuite – enfin, si… en péniche et en barque ! -.

Et pourtant, à aucun moment on ne se dit « aille, ça a quand même sacrément mal vieilli… ». Certes, on assiste à une représentation en costumes, les hommes – même lorsqu’ils ne sont pas décrits – semblent porter le haut-de-forme et être sanglés dans un costume trois-pièces. Mais l’intrigue est ciselée juste comme il faut.

En même temps, Maurice Leblanc savait jouer sur des intemporels. Il nous narre ici une histoire d’amour, de haine, de trahison, de vengeance, avec, à la clé, un trésor de 300 millions en or… Qui y résisterait ?

Et, survolant toute cette histoire, un génie. Génie qui, après avoir longtemps recherché son propre profit, sans se départir de sa légendaire élégance, met ici ses talents au service de la France. On peut supposer que c’est en partie l’époque qui voulait cela… on imaginerait mal, alors que la Première Guerre mondiale faisait rage, voir le gentleman se préoccuper de son seul intérêt. Et, probablement, ce choix fait par Maurice Leblanc a contribué à ce que son héros devienne un véritable mythe, comme une incarnation d’un certain esprit français… Héroïque et tragique, étincelant et sombre, humain et cynique, c’est comme un condensé de nos contradictions qui s’étale sous nos yeux.

Est-ce que j’aime Arsène Lupin ? Oui ! Est-ce que je vous invite à le redécouvrir sous ses traits originaux – même ceux qui ont adopté la série – ? Dix fois oui ! Est-ce que Le triangle d’or mérite de rejoindre votre PAL ? À mon avis, cent fois oui ! Alors n’attendez pas !

Pour en savoir plus

Retrouvez la présentation de ce livre sur le site de l’éditeur.

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